Voyage en absurdie
Entre mélancolie, humour et tendresse, l’auteur, dans le droit fil de ses textes précédents, dresse avec Samouraï le portrait sensible d’un paumé attachant.
Depuis ses débuts littéraires, Fabrice Caro mène une double vie. Dessinateur de BD le jour, romancier la nuit, comme un justicier croquant plume et crayon à la main l’absurdité de nos vies. Après le génial album Zaï zaï zaï zaï (2015), porté à l’écran, dans lequel il racontait la descente aux enfers d’un dessinateur coupable d’avoir oublié sa carte de fidélité au moment de passer en caisse au supermarché ; après Le Discours, roman jubilatoire lui aussi adapté au cinéma, qui nous plongeait dans la tête d’Adrien, un quadra déprimé, horrifié de devoir dire quelques mots au mariage de sa soeur, il récidive aujourd’hui avec Samouraï, un nouveau conte doux-amer où la mélancolie le dispute à la tendresse et à l’humour.
Alors qu’il vient de perdre coup sur coup son ami d’enfance, qui s’est donné la mort, et sa petite amie, qui l’a quitté pour roucouler dans les bras d’un bellâtre, universitaire spécialiste de Ronsard, Alan, un écrivain raté, décide de reprendre sa vie en main.
« Tu veux pas écrire un roman sérieux? » Dans sa tête, la phrase de son ex résonne comme l’hymne d’une transformation. Ça tombe bien, il a tout l’été et la piscine des voisins à garder pour écrire le chef-d’oeuvre qui sommeille en lui. Fabrice Caro n’a pas son pareil pour tirer le portrait des inadaptés, des sensibles névrosés qui n’ont pas les codes pour survivre dans nos sociétés sans pitié. Leur vie amoureuse est un champ de ruine, leur vie professionnelle une énigme. Leur lucidité, leur autodérision et cette manière de décrire la bêtise qui les entoure font de ces losers pathétiques des êtres aussi hilarants qu’attachants, qui posent tous la même question : les paumés d’un monde qui marche sur la tête ne sont-ils pas les seuls à avoir encore une once de raison ?
Comme un parfait point d’exclamation à cette bouffée d’air frais littéraire1, l’auteur ressuscite dans le même temps aux éditions du Seuil le genre truculent du roman-photo.
Guacamole Vaudou est encore plus outrancier, plus délirant, plus féroce. Sublimées par les looks et les mimiques folles de son coauteur Éric Judor ou encore d’Alison Wheeler, les saillies drolatiques de Fabcaro deviennent irrésistibles et célèbrent un salvateur printemps de l’absurde.
1. A noter aussi la publication de -20% sur l’esprit de la forêt (Six pieds sous terre) et du tome 2 de Zéropédia, illustré par Julien Solé (Dargaud).