Humour au long cours
Le plus discret des grands auteurs de BD revient avec un nouvel album après sept ans de silence. La Porte de l’univers explore avec poésie et non-sens la fonction du rire. Étonnant. Détonant.
Il s’appelle Robert Cognard. Comique de profession. Son credo : dénoncer la bêtise. Il y a du boulot, mais Robert Cognard n’a plus d’inspiration, lessivé, au bout du banc de l’humour, plus rien ne lui vient à l’esprit que des gags déjà remâchés. La Porte de l’univers de Daniel Goossens est l’histoire d’un vieux comique dépassé par une génération de rigolos qui n’interroge plus le rire, pas plus que la peau de banane. Parce que oui, l’humour, c’est du sérieux. De la métaphysique. Une vision du monde. Il faut savoir transcender l’existence autant que danser en tutu avec du poil au mollet. Ce à quoi Robert Cognard s’astreint. Mais ce n’est pas facile.
Il s’appelle Daniel Goossens, Grand Prix d’Angoulême en 1997, admiré par ses pairs, applaudi par Benoît Poelvoorde ou Édouard Baer (qui signe la préface de cet album). Mais il est aussi le plus discret et le moins reconnu du public parmi les (grands) auteurs. Goossens a l’humour absurde, le trait poétique et le phylactère intello. Depuis toujours, et sa série Georges et Louis romanciers le prouve, Goossens combat la bêtise, dénonce la prétention, critique la fatuité. Comme Robert Cognard. C’est normal : Cognard ressemble à Goossens. Et réciproquement. C’est son double, son cousin, son miroir. Et cet album, qui fait honneur au coup de crayon magnifique de l’auteur, est un condensé de l’univers goossensien (!). La porte du titre est celle qui conduit au pays des merveilles, là où s’épanouit le non-sens. Il faut la laisser ouverte. Elle permet de mieux respirer.