Histoires d’Algérie
Comment trouver sa place et faire corps avec son pays, un dessein partagé par ces deux livres polyphoniques.
Onze années après L’Envers des autres (qui ressort en poche), Kaouther Adimi dévoile cette fois-ci l’envers d’elle-même dans ce cinquième roman, ne cachant pas que les deux principaux protagonistes sont ses aïeuls. L’affaire débute en septembre 1972, à Alger. Ancien étudiant en langue arabe devenu un journaliste en vue, Saïd B. présente sa première fiction en librairie. La veille, la tempête a soufflé sur la région. Il aurait peut-être dû se méfier, nous suggère alors une voix. Il aurait pu, au moins, déceler la présence de deux de ses personnages dans la salle.
Au vent mauvais est le roman de son roman. Qui choisit de donner la version de Tarek et celle de Leïla, le couple dont s’est inspiré Saïd. Nous replongeons dans les années 1920, celles où naissent les trois personnages, dans le même village. Les deux garçons sont amis. Leïla, la fille de la voisine, est mariée une première fois à 15 ans. La Seconde Guerre mondiale voit les deux adolescents enrôlés de force, dans des régiments différents. Plus tard, ce sera la guerre d’indépendance. Tarek a demandé la main de Leïla avant d’épouser la cause du FLN, puis de traverser à nouveau la Méditerranée pour trouver du travail. À son retour auprès des siens, quelque chose de grave s’est produit. La suite de l’histoire est racontée au travers du personnage de
Leïla, et nous conduit jusqu’en 1992 et le début d’une autre guerre, civile celle-là, bientôt baptisée la « décennie noire ». Maniant le sens du détail autant que l’art de l’ellipse, Kaouther Adimi équilibre parfaitement les dimensions politiques et tragiques, les histoires et l’Histoire. Il n’y a pas d’ellipses dans le nouveau roman de Yasmina Khadra, mais le lyrisme et le souffle que l’on apprécie chez lui quand il s’agit d’amour, de guerre et d’Algérie. Les Vertueux s’attache lui aussi au destin d’un tout jeune homme enrôlé de force, cette fois-ci lors de la Première Guerre mondiale : Yacine est arraché à sa famille pour aller se battre en lieu et place du fils de Gaïd Brahim, propriétaire des terres de la région. Pour ce faire, il reçoit des faux papiers. À son retour, il ne peut plus rien prouver, ni son vrai nom, ni ses batailles victorieuses. Des années durant, il part à la recherche des siens, arpente villes, campagnes et déserts. Traité en paria, il devient clandestin, trafiquant, bagnard. On retrouve là l’essence de l’oeuvre de Yasmina Khadra : les sentiments sont une morale, une vertu nichée au coeur de tous les drames. Le livre nous invite à une grande balade historique, à travers une vaste partie du territoire algérien durant l’entre-deux-guerres. Une épopée à hauteur d’homme.