Forza la famille
Bella ciao (tre) clôt la trilogie d’un auteur qui raconte à la fois la mémoire collective ouvrière, le bistrot lorrain du coin et le goûter chez les grands-parents.
Ça va mieux en l’écrivant: Baru possède l’un des meilleurs crayons de la bande dessinée (il faut rester un peu flou pour ne pas attrister les unes et les autres).
Son trait est en mouvement permanent, formidablement expressif, jamais réaliste mais tout le temps incarné. Le dessin est bienveillant, parfois moqueur, souvent souriant, aussi émouvant. Le coup de poing frappe fort, la mobylette bleue pétarade, les bistrots sont animés et les hauts-fourneaux rougeoient. Baru vit et travaille dans l’Est, région qu’il a souvent croquée, notamment dans Quéquette Blues – pas de meilleur titre pour évoquer une bande de potes un peu branleurs. Il est parfois parti en voyage (Le Chemin de l’Amérique, L’Autoroute du soleil) mais il revient toujours à ses racines d’enfant du bitume lorrain arrosé par toute sa famille italienne venue alimenter la sidérurgie locale au cours du xxe siècle.
Baru est un auteur pour qui le décor social et politique a son importance. Et dans la série Bella ciao plus que jamais. Voilà le troisième et dernier tome – qui peut se lire indépendamment mais quiconque tombe dans Baru reste dans Baru. Teo, le narrateur au nez ressemblant à celui de l’auteur, raconte ses souvenirs, sa famille, l’immigration italienne, la solidarité, les morts et les vivants. Des chapitres plus ou moins longs qui bâtissent la mémoire collective d’une région, d’un pays, d’une culture, d’une résistance aux temps sombres qui trop souvent se répètent. La trace que laissent les hommes et les femmes, et qu’il faut sans cesse raconter, est aussi celle d’un crayon sur une feuille qui tout à coup prend des couleurs.