Entendre des voix
Au-delà de leur vie personnelle, certaines grands-mères officient comme de véritables passeuses de la parole d’autrui, du destin des autres. On y songera à la lecture de deux ouvrages remarqués de ce début d’année. Les fidèles de RTL connaissent forcément le nom de Menie Grégoire qui, de la fin des années 1960 au début des années 1980, laissa la parole aux auditrices. C’est à cette aïeule que la journaliste et romancière Adèle Bréau (connue entre autres pour La Cour des grandes et
Frangines) rend un hommage romanesque, avec L’Heure des femmes (JC Lattès). Mais, grâce à divers personnages, elle montre ici plus largement l’évolution des moeurs et de la condition féminine dans cette période de bouleversements sociétaux.
Ce sont des ondes plus mystiques qu’explore Patrick Autréaux dans
La Sainte de la famille. L’auteur se remémore la mort de sa mémé, alors qu’il n’était qu’un bambin. Ce décès amènera le futur médecin urgentiste et psychiatre, encore enfant, à connaître le destin d’une autre femme, Thérèse de Lisieux. Les écrits de celle-ci auront une influence directe sur le parcours spirituel de cet athée qui, en plus de soigner d’innombrables patients, fut très gravement malade. Porté par une écriture magnifique, ce « constat » (registre littéraire revendiqué par Autréaux) divague ainsi librement sur l’histoire de ses héroïnes, mais aussi sur la mort, les souvenirs, la foi, les images ou la création littéraire. « En spiritualité et en écriture parfois, c’est le jeu du qui perd gagne », souligne ainsi le narrateur.
« Il n’y a rien à acquérir, ni mérite ni qualité particulière de l’esprit ou de la culture. Il faut juste s’égarer aux confins de soi. » Les confins, encore et toujours…