GAËLLE NOHANT Déni d’initiés
À partir d’objets ayant appartenu à d’anciens déportés, l’autrice met en lumière l’une des périodes les plus sombres de l’histoire européenne.
Construits autour d’objets sauvés des cendres de l’Holocauste, certains romans mémoriels contemporains invitent à de grands voyages sur les traces de fantômes. Il ne s’agit pas là d’une « carte postale », mais de milliers d’objets entreposés à l’International Tracing Services, à Bad Arolsen en Allemagne, où ils attendent d’être restitués à leurs propriétaires et leurs descendants. Ainsi, l’enquêtrice Irène a le sentiment d’être appelée par ces objets, comme par ce « pierrot, énigme de tissu »
ayant appartenu à un garçon juif déporté, protégé par une mystérieuse prisonnière de type aryen. Pendant ce temps, sa future fiancée est cachée en Grèce par une Juste.
Le Bureau d’éclaircissement des destins
rend lumière à ces héroïnes de l’ombre, notamment à travers des chapitres épistolaires, et le biais privilégié par Gaëlle
Nohant de la photographie, qui, dans La Femme révélée, ne faisait qu’une avec l’écriture. S’émancipant d’un mariage avec un Allemand rétrograde, Irène n’a pas manqué de mettre les pieds dans le plat quant aux secrets de sa belle-famille. Mais le déni est de mise et va bien au-delà : dans l’Allemagne d’après-guerre, d’anciens SS s’emploient à détruire les preuves de leurs crimes, se souvient celle qui fut le mentor d’Irène, rescapée des camps. De l’insurrection du ghetto de Varsovie à celle du camp de Treblinka, ces récits de survie sont une ode à la révolte. Cependant, la forte concentration des thématiques abordées sature parfois le lecteur ; davantage de respiration aurait été bienvenu. ■