A priori au long cours
Les Français sont arrogants, dit-on souvent à l’étranger. Plus souvent encore nos diplomates ont dû composer avec un regard malveillant posé sur eux en raison de leur origine. Et si l’Histoire s’expliquait par les préjugés? Vous savez, ces opinions toutes faites, ces idées reçues qui conditionnent notre regard sur les situations. C’est la thèse sous-jacente d’un ouvrage collectif, dirigé par Jeanne Guérout et Xavier Mauduit*. Car ces représentations souvent négatives sur les autres et sur nous-mêmes engendrent des décisions et des situations qui ont façonné le monde. Et il y en a de toutes sortes : celles que nous avons sur le passé (les Barbares étaient des vandales…), celles sur les genres (ça ne pleure pas, un homme) et celles ancrées dans l’ethnie ou la nation. Ces dernières sont sans doute les plus tenaces. Violence supposée des Arabes ou des Mexicains. Excentricité anglaise. En les prenant pour objets de leur recherche, les historiens ici rassemblés nous montrent à quel moment ces petites mythologies identitaires négatives ont été créées et dans quel but. Il s’agissait d’affirmer des défauts pour justifier une prise de pouvoir ou s’affranchir d’un ascendant. Les images mentales ont servi des projets de domination et de libération. Chaque chapitre en aborde une nouvelle et nous permet de traverser le temps en déniaisant notre regard. Entre peur, agressivité et fierté, ces fantasmes petits et grands ont forgé le destin de l’humanité. Pourra-t-on un jour les arrêter ? se demande-t-on en renfermant cette Histoire des préjugés.
* Qui publie également ce mois-ci une biographie de Napoléon III (PUF).