La gauche autrement
Pour faire face aux défis que doit affronter notre société, Chantal Mouffe en appelle à la mise en place d’une stratégie populiste jouant sur les affects. Seule capable de mobiliser et de fédérer le peuple.
Pasionaria de Podemos et de La France insoumise, la philosophe belge, 79 ans, est de ces post-marxistes qui en appellent à un changement des modes d’action et des discours de gauche. Esquissé dans Pour un populisme de gauche (2018), son dessein est de fédérer les citoyens autour d’un projet politique qui signerait la fin du modèle actuel de croissance économique, restaurerait l’égalité entre les individus et sauvegarderait la planète. Tout un programme, que Chantal Mouffe développe dans La Révolution démocratique verte. Problème : lesdits citoyens sont encouragés par l’ordre néolibéral à « se replier dans un nationalisme défensif ou dans l’acceptation passive de formes de gouvernement dictées par des algorithmes ». Comment les convaincre d’adhérer au projet? En développant une « stratégie populiste de gauche », assure l’autrice. Jouant sur des affects fédérant le peuple autour d’un « récit commun possédant une dimension symbolique et libidinale », elle s’emploierait à forger « un mythe dans le sens que lui donne Georges Sorel: une idée dont la puissance d’anticipation de l’avenir permet de redessiner le présent », écrit la philosophe, citant celui qui inspira autant le bolchevisme de Lénine que le fascisme de Mussolini. À la différence des idéologies d’extrême droite et marxistes-léninistes, le populisme mouffien n’agite toutefois pas le chiffon rouge-brun de la peur, du rejet de l’autre ou de la vengeance sociale. Épris de justice, il encourage au contraire « la solidarité autour de l’idée de survie de la planète et la préservation des conditions de vie qui la rendent habitable ». Pourquoi pas? se dit-on. Avant de s’interroger sur l’efficacité d’un tel discours qui dépend essentiellement de ses « conditions de production », comme disent les marxistes. Ce que l’ouvrage, fort théorique, ne fait pas. ■