Lire

BRANWELL, LE FRÈRE MAUDIT

- L.F.

Au-dessus de son lit de mort, ses trois soeurs sont penchées. Le 24 septembre 1848, Branwell Brontë décède de tuberculos­e sans avoir accompli la grande oeuvre à laquelle ses talents le prédestina­ient. L’histoire retiendra de lui l’artiste raté, abîmé par l’alcool, le laudanum et un amour déçu. Dès l’enfance, Branwell est pourtant considéré comme le talent le plus prometteur de la famille, doté d’une imaginatio­n débordante, bénéfician­t de l’attention d’un père qui espère le voir intégrer Oxford ou Cambridge. Unique garçon de la fratrie, trop d’espoirs reposaient sans doute sur ses épaules. Après son départ pour Londres, où il espère étudier les beaux-arts mais dont il revient après avoir dilapidé l’argent confié par son père, la chute est amorcée. À Thorp Green, où sa soeur Anne est gouvernant­e, il obtient un poste de précepteur, mais a le malheur de tomber amoureux de Lydia Robinson, l’épouse de son employeur. De retour à Haworth, il sombre dans la folie, et souffre d’accès de delirium tremens qui terrifient ses soeurs. Dans Le Monde infernal de Branwell Brontë1, Daphné du Maurier avance que Jane Eyre, Les Hauts de Hurlevent et Agnès Grey n’auraient pu voir le jour sans la présence du frère, à l’origine du personnage de Heathcliff. À l’instar du célèbre portrait que Branwell a peint de ses soeurs et sur lequel il a effacé son visage, sa présence fantomatiq­ue semble en effet indissocia­ble de ces chefs-d’oeuvre.

1. Daphné du Maurier, Le Monde infernal de Branwell Brontë, trad. Jane Fillion, La Table Ronde, 2018.

Newspapers in French

Newspapers from France