VIVRE ENSEMBLE
Roman d’amour désabusé doublé d’un regard acéré sur les sociétés française et islandaise, L’Acceptation confirme la singularité de Solange Bied-Charreton.
C’est « l’histoire d’un amour, puis d’un désamour ». Mais tout cela semblait écrit, joué, dès le début. « S’intéresser à Gestur, vouloir le retenir ou rentrer dans sa vie, ce n’était pas une bonne idée », songe d’ailleurs rétrospectivement Aurore, l’héroïne et narratrice de L’Acceptation. En décembre 2015, dans une librairie de Belleville, celle-ci a ainsi croisé un drôle d’individu « égaré dans les rayons ».
Il s’appelle Gestur Sigmundsson, il est islandais et ce spécialiste des Vikings est une pointure dans son domaine. Les lois du coeur dépassent souvent la raison et Aurore, fille d’un grand nom de la moutarde de Dijon travaillant dans une maison d’édition, comprend que « s’enamourer de l’homme au sac à dos, à la vie ostensiblement compliquée, à la nationalité cryptique, [n’avait rien d’] une solution d’avenir ». Leur histoire se fera entre l’Islande et l’Hexagone, avec beaucoup d’absence(s) et la naissance du petit Erling (sans oublier l’arrivée du chat Floki).
Au-delà de l’histoire intime (d’inspiration autobiographique), c’est une opposition entre deux sociétés que décrit remarquablement Solange Bied-Charreton, dont on avait apprécié le regard acéré et le sens de la formule dans Enjoy ou Les Visages pâles.
D’un côté, un monde scandinave où le froid touche aussi bien le climat que les terres ou le coeur des individus ; de l’autre, une France en déclin, rythmée par les manifestations et gangrenée par les méfaits des « petits djihadistes à smartphones » imposant une large présence policière. Malgré tout, c’est le portrait clinique d’un homme impassible et programmatique, imperméable à ses sentiments, qui bouleverse dans L’Acceptation, tout comme l’obstination déraisonnable d’Aurore, malgré la déréliction ambiante, croyant peut-être réveiller un vocal éteint. Et si, au fond, nous n’étions que les « gestionnaires de notre déchéance » ?