par Baptiste Liger Imphy soit-il
C’est un décor de cinéma, au sens strict, puisque les terres en question et ceux qui les habitent avaient été filmés par Luc Moullet, figure iconoclaste de la Nouvelle Vague. Ainsi, « comme dans une comédie marseillaise ou un film italien, Imphy proposait une galerie de personnages pittoresques, farfelus ». Mais, loin des couleurs méditerranéennes, nous sommes ici en plein coeur de la Nièvre la plus rurale. Ou presque, cette bourgade représentant « un exemple du glissement historique d’un village vers la grande industrie ». Jusqu’à devenir la « capitale des aciers spéciaux », avant l’inexorable déclin. Si Marc Lambron connaît si bien Imphy, c’est que ses grands-parents maternels, Pierre et Léonie, en sont originaires, et qu’il y a passé quelques étés. Avec le magnifique Le Monde d’avant, l’académicien souhaite payer
« sa dette » à ceux-ci. Car tous « ces êtres qui vieillissent » et qui ne sont plus là « méritent l’hommage de la mémoire ». Oui, « sans ces fantômes, la main qui paraphe ne grifferait qu’une page blanche. Ces pauvres qui m’ont fait riche », ajoute-t-il. Au-delà des histoires individuelles, il est ici question du milieu ouvrier, du conditionnement de classe, de la guerre, ou de l’ascension sociale des générations qui suivent (notamment sa mère, institutrice). Marc Lambron retranscrit parfaitement toute la réalité de ces personnes, entre le vert et le fer, entre le rouge communiste et la rose socialiste – le tout en n’oubliant pas d’utiliser quelques-uns de leurs mots bien spécifiques (savez-vous ce qu’est un berlot ? un embergniaud ? un berdignot ?). Cette élégie d’un « monde finissant » se révèle puissamment émouvante, dans une écriture tenue mais sans fioriture: qui aurait imaginé l’écrivain, réputé grand mondain, en cousin de Pierre Michon ? ★★★☆☆
LE MONDE D’AVANT
MARC LAMBRON 96 P., GRASSET, 14 €