Lire

Trip nostalgiqu­e

Le voyage intime auquel nous invite l’autrice convoque fantômes et souvenirs. Empruntant tours et détours, il se révèle poignant et imprévisib­le.

- Léonard Desbrières

Trois ans après Et toujours en été, un escape game littéraire et mélancoliq­ue qui nous conduisait dans les moindres recoins de sa maison de vacances familiale à Saint-Pair-sur-Mer, près de Granville, dans la Manche, Julie Wolkenstei­n poursuit son émouvante entreprise autobiogra­phique. Elle façonne un nouveau conte de l’enfance où viennent s’entremêler les souvenirs, et adresse une poignante déclaratio­n à ces lieux magiques qui nous habitent autant que nous les habitons. Mais cette fois, l’universita­ire spécialist­e de Henry James et traductric­e de Fitzgerald nous emmène plutôt du côté de Kerouac et nous fait prendre la route. La route des Estuaires plus précisémen­t, celle-là même qui pendant cinquante ans l’a conduite de Paris jusqu’en Normandie, celle qui traverse encore aujourd’hui son existence de part en part. L’ombre de son petit frère, mort mystérieus­ement d’un traumatism­e crânien à l’âge de 2 mois alors qu’elle n’avait pas encore 2 ans, plane sur ce voyage intime dans les méandres de sa vie. Car si La Route des Estuaires mène à la maison de Saint-Pair, elle pousse plus loin jusque chez Maryvonne, leur nurse bretonne qui veillait sur eux quand ils étaient petits.

Mais n’attendez pas de ce livre désarçonna­nt une enquête et une résolution, préparez-vous plutôt pour un étonnant spectacle où les fantômes chantent à l’unisson. Peu importe la destinatio­n, ce qui compte, c’est le voyage dit l’adage, et le roman de Julie Wolkenstei­n n’est jamais aussi beau, drôle et touchant que quand il se perd en chemin. Des détours que l’on emprunte avec elle, des divagation­s qui l’assaillent, l’écrivaine fait de sublimes envolées littéraire­s. La scène d’introducti­on de la série The Walking Dead, les règles alambiquée­s des Aventurier­s du rail, un vieux jeu de société ferroviair­e, les critiques théâtrales et les articles de son père, Bertrand Poirot-Delpech, dans Le Monde, Mon frère de Maxime Le Forestier qui passe sur Nostalgie ou encore les héroïnes de Sébastien Japrisot : les pensées qui jaillissen­t sans prévenir deviennent le moteur d’une histoire émouvante et imprévisib­le comme la vie. ■ ★★★☆☆

 ?? ??
 ?? ?? LA ROUTE DES ESTUAIRES JULIE WOLKENSTEI­N
144 P., P.O.L, 17 €. EN LIBRAIRIES LE 2 MARS.
LA ROUTE DES ESTUAIRES JULIE WOLKENSTEI­N 144 P., P.O.L, 17 €. EN LIBRAIRIES LE 2 MARS.

Newspapers in French

Newspapers from France