LE NOUVEAU DOA
Il faut toujours faire attention aux titres des romans. Le « rétiaire », affiché en couverture du polar de DOA, est un gladiateur dont l’arme caractéristique est le filet. L’auteur y a ajouté un « (s) » pour signifier qu’ils sont peut-être plusieurs. Il y aurait donc Valérie, flic antistup, qui se bat contre les criminels et contre sa hiérarchie masculine; Théo, flic lui aussi, emprisonné pour avoir abattu un trafiquant; Momo, chef de clan spécialisé dans la drogue. Le gladiateur est un combattant, occupé par sa propre survie, ni notable ni hors-la-loi, solitaire entraîné à satisfaire le peuple, mais dont personne ne se soucie. Ce sont des gladiateurs d’aujourd’hui, lutteurs obsédés, personnages romantiques plus ou moins sympathiques, que DOA raconte ici dans un roman noir impressionnant mariant le romanesque attaché au genre, une multitude de péripéties, le sens du détail, un réalisme quasi documentaire, un style rythmé, enfin, qui étire et raccourcit le temps du récit. Peu de polardeux français – Marin Ledun en fait partie – arrivent à un tel niveau: limpidité de la narration et complexité de l’intrigue. Sans doute DOA, auteur du diptyque Pukhtu et de Citoyens clandestins, est-il lui-même un gladiateur, auteur rageur et singulier, casqué d’un pseudonyme pour rester méconnaissable, qui manie à la perfection l’art du filet. Avec Rétiaire(s), il faut peu de pages pour que les lecteurs soient pris dans les rets d’un auteur à l’ambition maîtrisée. Après 400 pages, il est déclaré vainqueur. Et doit continuer à écrire.
Le titre, Trois vies par semaine, est de nouveau un clin d’oeil à la variété française (cette fois, c’est le groupe Indochine). Avec ce seizième roman, Michel Bussi explore la part obscure de l’être humain – thème inhérent au genre policier – sur fond de règlement de comptes familial. Direction un belvédère au coeur des Ardennes, où une brigade de gendarmerie retrouve un cadavre. Sur lui : trois permis de conduire. Avec la même photo, la même date de naissance, mais trois noms et trois lieux d’origine différente. Tous trois mènent à un domicile, un métier, une compagne… Un seul homme et trois vies parallèles ? La capitaine chargée de l’enquête s’emmêle dans les biographies, qui elles-mêmes ouvrent sur d’autres destins : ceux des trois compagnes, d’une belle-mère venue d’Europe de l’Est, de troupes de théâtre de marionnettes (Charleville-Mézières en la capitale), de frères aux visages brûlés… Alternant les lieux et les personnages sans jamais perdre son lecteur, Bussi tire tous les fils de son intrigue. Portée par une écriture plus acérée qu’à l’accoutumée, les ressorts sont implacables, révélant toujours plus de mobiles, de vengeances, de secrets. ■