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LE NOUVEAU DOA

- Éric Libiot Hubert Artus

Il faut toujours faire attention aux titres des romans. Le « rétiaire », affiché en couverture du polar de DOA, est un gladiateur dont l’arme caractéris­tique est le filet. L’auteur y a ajouté un « (s) » pour signifier qu’ils sont peut-être plusieurs. Il y aurait donc Valérie, flic antistup, qui se bat contre les criminels et contre sa hiérarchie masculine; Théo, flic lui aussi, emprisonné pour avoir abattu un trafiquant; Momo, chef de clan spécialisé dans la drogue. Le gladiateur est un combattant, occupé par sa propre survie, ni notable ni hors-la-loi, solitaire entraîné à satisfaire le peuple, mais dont personne ne se soucie. Ce sont des gladiateur­s d’aujourd’hui, lutteurs obsédés, personnage­s romantique­s plus ou moins sympathiqu­es, que DOA raconte ici dans un roman noir impression­nant mariant le romanesque attaché au genre, une multitude de péripéties, le sens du détail, un réalisme quasi documentai­re, un style rythmé, enfin, qui étire et raccourcit le temps du récit. Peu de polardeux français – Marin Ledun en fait partie – arrivent à un tel niveau: limpidité de la narration et complexité de l’intrigue. Sans doute DOA, auteur du diptyque Pukhtu et de Citoyens clandestin­s, est-il lui-même un gladiateur, auteur rageur et singulier, casqué d’un pseudonyme pour rester méconnaiss­able, qui manie à la perfection l’art du filet. Avec Rétiaire(s), il faut peu de pages pour que les lecteurs soient pris dans les rets d’un auteur à l’ambition maîtrisée. Après 400 pages, il est déclaré vainqueur. Et doit continuer à écrire.

Le titre, Trois vies par semaine, est de nouveau un clin d’oeil à la variété française (cette fois, c’est le groupe Indochine). Avec ce seizième roman, Michel Bussi explore la part obscure de l’être humain – thème inhérent au genre policier – sur fond de règlement de comptes familial. Direction un belvédère au coeur des Ardennes, où une brigade de gendarmeri­e retrouve un cadavre. Sur lui : trois permis de conduire. Avec la même photo, la même date de naissance, mais trois noms et trois lieux d’origine différente. Tous trois mènent à un domicile, un métier, une compagne… Un seul homme et trois vies parallèles ? La capitaine chargée de l’enquête s’emmêle dans les biographie­s, qui elles-mêmes ouvrent sur d’autres destins : ceux des trois compagnes, d’une belle-mère venue d’Europe de l’Est, de troupes de théâtre de marionnett­es (Charlevill­e-Mézières en la capitale), de frères aux visages brûlés… Alternant les lieux et les personnage­s sans jamais perdre son lecteur, Bussi tire tous les fils de son intrigue. Portée par une écriture plus acérée qu’à l’accoutumée, les ressorts sont implacable­s, révélant toujours plus de mobiles, de vengeances, de secrets. ■

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 ?? ?? ★★★★☆
RÉTIAIRE(S)
DOA
432 P., GALLIMARD/SÉRIE NOIRE, 19 €
★★★★☆ RÉTIAIRE(S) DOA 432 P., GALLIMARD/SÉRIE NOIRE, 19 €

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