Tronche d’émotion
Le père de Jean-Claude Tergal revient avec bonheur en librairies avec un nouvel album qui s’éloigne de ses (habituelles) histoires à l’humour grinçant: L’Année fantôme préfère la mélancolie nostalgique.
L’après-Festival d’Angoulême, comme l’après-Cannes pour les films, est toujours un moment pendant lequel les sorties d’albums connaissent un petit creux. Les auteurs « primable » ont fait le boulot (grand prix pour Riad Sattouf) et les albums originaux reposent en paix sur les tables (Fauve d’or pour La Couleur des choses de Martin Penchaud, éditions Ça et Là). L’occasion d’aller voir du côté des anciens qui publient régulièrement, forts de leur riche carrière. Voilà donc le nouvel album de Didier Tronchet, L’Année fantôme ; Tronchet, éternel auteur de la série consacrée à JeanClaude Tergal, looser magnifique arrosé d’humour noir et grinçant, né au siècle dernier, en 1990.
L’homme n’a rien perdu de son talent et son trait expressif façon cartoon réaliste (c’est un concept) est toujours là, comme les nez tordus de ses personnages (sa marque de fabrique). Avec l’âge, Didier Tronchet s’est peut-être assagi… Et pourquoi pas. Une certaine mélancolie, voire nostalgie, coule dans les veines de ce bel album qui suit les pas de Gilles Collot, le célèbre chroniqueur acide, un brin misanthrope, d’un hebdo parisien à succès, obligé de se rendre aux 50 ans de son frangin. Des retrouvailles familiales qui vont lui secouer la couenne, lui qui pense avoir la peau dure. Le récit court en gestes fluides, les cases s’enchaînent, l’émotion pointe. Tronchet se fait le contempteur de la futilité et de l’écume des choses quand l’important se cache au fond de soi. Il est souvent difficile d’aller arpenter ces paysages ombreux, mais il faut essayer. ■