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De Kyiv à Kiev

Dans leurs journaux respectifs, l’auteur des Abeilles grises et le premier ambassadeu­r français à Kiev livrent des témoignage­s forts sur l’Ukraine.

- Emmanuel Hecht

Le 29 décembre 2021, Andreï Kourkov « célèbre » l’arrivée d’Omicron. L’envahisseu­r s’appelle Covid-19. L’autre actualité est le recensemen­t militaire des hommes et des femmes. Sept ans après l’invasion de la Crimée, le spectre d’une guerre resurgit. « La températur­e monte partout, même au sauna », note l’écrivain ukrainien russophone. Il semble vouloir conjurer le sort en vantant les vins et les fromages de Bessarabie. Le 24 février suivant, il est réveillé par le fracas des missiles russes. Il reste planté une heure devant sa fenêtre, avant de partir avec les siens, toujours plus à l’ouest. Son Journal d’une invasion, qui s’arrête fin juillet, est le recueil d’une quarantain­e de textes dédiés « aux soldats de l’armée ukrainienn­e ». Il y mêle grande et petite Histoire, parce que, si « la guerre sème la mort, elle réveille aussi l’humanité en nous ». Comme s’il y avait une urgence vitale, il embrasse tous les sujets : le vieux chant de Noël Chtchedryk, les séries télévisées, Pouchkine et Mandelstam, la réforme des menus dans les cantines scolaires, son grand-père cosaque et stalinien… Entre deux bombardeme­nts, il paye ses factures d’électricit­é.

Qu’aurait été la guerre si l’Ukraine avait conservé son arsenal nucléaire? En 1992, le pays avait dû restituer les armes de l’ère soviétique et afficher sa neutralité. C’était le prix de son indépendan­ce, rappelle fort à propos dans son journal Hugues Pernet, premier ambassadeu­r à Kiev. Certes, les Ukrainiens tentent d’obtenir un engagement des puissances occidental­es. Mais les États-Unis, tournés vers le Pacifique, se contentent du service minimum: les rassurer, sans inquiéter les Russes. Quant à l’Europe, elle est empêtrée dans ses divisions. Les Ukrainiens, eux, gardent à l’esprit cette phrase de leur hymne national : « L’Ukraine n’est pas encore morte. » ■

Comprendre l’antisémiti­sme français des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale, telle est l’ambition de Laurent Joly, meilleur spécialist­e de la question, dans ce livre (nouvelle édition) consacré à un criminel: Le Cas Darquier de Pellepoix. Blessé le 6 février 1934, élu au conseil de Paris, cet aventurier – prénommé Louis – comprend qu’il peut « faire carrière dans l’antisémiti­sme ». Dès 1936, sa logorrhée se répand et lui fabrique un destin de bourreau. Le voici admirateur de Hitler et propagandi­ste nazi. La Seconde Guerre mondiale en fait une vedette de l’Occupation. Le gouverneme­nt de Vichy lui confie le Commissari­at général aux questions juives en 1942. Darquier de Pellepoix participe aux réunions préparant la rafle du Vél’ d’Hiv’, demande d’autres lois contre les Juifs… En 1944, il part se cacher en Espagne. De là, il diffuse ses idées négationni­stes. Il meurt hanté par la décadence de la « race française ». ■

★★★☆☆

LE CAS DARQUIER DE PELLEPOIX. ANTISÉMITI­SME ET FASCISME FRANÇAIS 1934-1944

LAURENT JOLY

256 P., TALLANDIER, 22,90 €. EN LIBRAIRIES LE 2 MARS.

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JOURNAL D’UNE INVASION (DIARY OF AN INVASION) ANDREÏ KOURKOV
TRADUIT DE L’ANGLAIS
PAR JOHANN BIHR,
256 P., NOIR SUR BLANC, 21,50 €. EN LIBRAIRIES LE 13 MARS.
★★★☆☆ JOURNAL D’UNE INVASION (DIARY OF AN INVASION) ANDREÏ KOURKOV TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR JOHANN BIHR, 256 P., NOIR SUR BLANC, 21,50 €. EN LIBRAIRIES LE 13 MARS.
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JOURNAL DU PREMIER AMBASSADEU­R DE FRANCE À KIEV. 1990-1993 HUGUES PERNET
350 P., FLAMMARION, 23,90 €. EN LIBRAIRIES LE 1ER MARS.
★★★☆☆ JOURNAL DU PREMIER AMBASSADEU­R DE FRANCE À KIEV. 1990-1993 HUGUES PERNET 350 P., FLAMMARION, 23,90 €. EN LIBRAIRIES LE 1ER MARS.

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