L’art de la mainmise
L’historien nous fait découvrir les arcanes de la propagande allemande dans la France occupée. Et celui qui en fut l’artisan.
Avec La Stratégie de la main invisible, Pascal Jardin propose une autre histoire de la France des années sombres. Au coeur du livre se tient la figure du major Heinz Schmidtke, chef de la Propaganda Abteilung, ce bureau ouvert à Paris par Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande de Hitler. Grâce aux archives de cette institution, l’historien démonte la mécanique de cette institution qui, avec d’autres, a tenté de convaincre les Français d’adhérer au national-socialisme. Sa stratégie ? Rassurer les Français, leur faire croire que les forces d’occupation n’exerçaient pas une censure violente et laissaient se poursuivre la vie culturelle et artistique. Agir comme une « main invisible » pour régenter discrètement le cinéma, le théâtre, la radio et surtout la presse. La création de faux journaux tels La Voix ouvrière ou Le Caneton enchaîné s’inscrivait dans ce cadre. Au total, la propagande allemande réussit peu à mordre dans l’opinion française.
Elle connut quelques succès, dans les expositions et les arts notamment, mais ne parvint pas à engendrer le soutien espéré pour le nazisme et son projet européen. Dès 1943, Schmidtke sent l’impossibilité de gagner la faveur de ce peuple qu’il jugeait dès 1940 « le plus difficile à convaincre par la propagande ». La somme de Pascal Jardin montre ses efforts et son échec. Restent de cette expérience unique des oeuvres dont les auteurs collaborateurs ou pas ont traduit toutes les ambiguïtés de la France dans les griffes nazies, entre trahison et bêtise. ■