Dialogues de bêtes
Pour le documentariste comme pour le biologiste, il est temps de se reconnecter avec le monde animal. Et pourquoi pas en tentant de comprendre son langage.
Tom Mustill dédie son ouvrage à la « nouvelle ère de la connaissance ». En ces termes, on songerait spontanément au numérique. Il n’en est rien : c’est le « décryptage du monde naturel » dont il est question. Que diriezvous à une baleine si vous pouviez dialoguer avec elle? Tom Mustill est réalisateur de films animaliers, mais la première fois qu’il s’est véritablement interrogé sur un tel dialogue relève d’une histoire rocambolesque. Lors d’une impressionnante scène, vécue en mer, une baleine à bosse lui est littéralement tombée dessus. Sur la vidéo, il semble cependant qu’elle l’ait évité en dernière seconde. Volontairement ? Derrière l’interrogation de Comment parler baleine se cache ainsi un domaine scientifique important, en plein essor. Ce sont ces pionniers que présente Tom Mustill, celles et ceux qui cherchent à surpasser l’ultime frontière – en apparence – entre les espèces : la communication. Mais cette quête consiste d’abord à éloigner bon nombre d’idées reçues quant à la compétitivité dans le monde animal. L’auteur explore ainsi les notions de symbiose et de mutualisme.
Changer de perspective, finalement, cela peut commencer sous notre nez. « Nous nous côtoyons, avec les chauves-souris, mais nous les ignorons la plupart du temps », écrit Laurent Tillon, dans Les Fantômes de la nuit. Elles, en revanche, ne nous ignorent pas. Certains de leurs comportements font écho à ce que l’on retrouve chez l’humain. Et si « nous tentions de nous mettre cette fois à leur place pour mieux les découvrir, pour mieux les comprendre ? », invite-t-il, avec un ouvrage qui montre combien il est temps de regarder le monde animal sans antinomie. Mais comment aller plus loin et percer les langages ? Tom Mustill donne une place cruciale aux technologies. Si l’on sépare intuitivement l’écologie et le numérique, l’usage d’algorithmes, par exemple, fait bondir les recherches sur la communication animale. Car ce que cherchent ces pionniers, finalement, c’est à craquer un code, à trouver une pierre de Rosette interespèces grâce à laquelle entrer en contact avec les chauves-souris ou les baleines. ■