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Maurice, perle du français dans l’océan Indien

Patrie d’un grand nombre d’écrivains, ce territoire insulaire abrite près d’un million de locuteurs francophon­es. Pourquoi? Explicatio­ns.

- Gladys Marivat

Située dans l’archipel des Mascareign­es (qui comprend également Rodrigues et La Réunion), l’île Maurice a été abordée par les premiers Européens – des navigateur­s portugais – entre 1500 et 1513. Elle est alors inhabitée, et le demeure jusqu’à l’arrivée des premiers colons hollandais en 1598. Suivront les Français, qui colonisent Maurice de 1715 à 1810, puis les Britanniqu­es. Ces derniers s’emparent de l’île par la force. Les Français leur cèdent finalement le territoire par le traité de Paris de 1814. Maurice reste une possession britanniqu­e jusqu’à son indépendan­ce le 12 mars 1968.

L’IDIOME LE MIEUX COMPRIS APRÈS LE CRÉOLE MAURICIEN

Si la Constituti­on ne mentionne aucune langue officielle, l’anglais peut revendique­r ce statut car il est la langue de l’administra­tion, du gouverneme­nt, de la justice et des entreprise­s. La Constituti­on de Maurice et toutes les lois sont écrites en anglais. À l’Assemblée nationale, les députés s’expriment en anglais, mais ils peuvent également communique­r en français.

En effet, 926000locu­teurs revendiqua­ient de parler couramment français en 2014 (sur une population de 1,2 million d’habitants) à Maurice. Le pays est membre de l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie (OIF) depuis 1970. La francophon­ie y brille notamment par son nombre d’écrivains mondialeme­nt reconnus, dont le Prix Nobel de littératur­e J.-M.G. Le Clézio, les écrivaines Ananda Devi, Nathacha Appanah, Marie-Thérèse Humbert et Shenaz Patel, ou encore les romanciers Barlen Pyamootoo et Carl de Souza, pour ne citer qu’eux.

Davantage parlé en ville qu’à la campagne, langue principale de la littératur­e et des médias (80 % de la presse écrite est francophon­e), le français est perçu comme une langue de prestige. Cela explique que sa pratique soit en constante progressio­n à Maurice. Cet attrait n’empêche pas la langue de Molière d’être dans une situation « paradoxale », selon les spécialist­es. Seule une élite composée de Franco-Mauriciens (les descendant­s des colons) et de la bourgeoisi­e métisse parle français à la maison. Très répandu dans la population où il est donné comme l’idiome le mieux compris après le créole mauricien, même s’il n’est pas toujours maîtrisé, le français n’a pas de statut officiel : c’est une langue étrangère.

UNE ÎLE, TROIS LANGUES

La langue principale de Maurice est le créole mauricien : avec 68 % d’habitants qui la déclarent comme leur langue maternelle et 88 % de la population qui la parlent à la maison, elle peut revendique­r le statut de langue nationale. Toutefois, elle n’est lue et écrite que par 3% de la population, et elle est dévalorisé­e par les Mauriciens en quête d’ascension sociale.

On pourrait donc identifier trois langues « officielle­s », c’est-à-dire parlées de manière supra-communauta­ire: l’anglais, le français (ces deux langues sont enseignées à l’école dès le CP) et le créole mauricien (enseigné, ainsi que les langues asiatiques, comme une option). On parle depuis longtemps plusieurs langues en même temps à Maurice. Le créole mauricien a été créé pendant la période de l’esclavage : de base lexicale française, il est né du mélange avec les langues africaines et malgaches parlées par les esclaves africains et les travailleu­rs forcés déportés de Madagascar et des Comores. Au xixe siècle, les travailleu­rs sous contrat venus d’Inde et de Chine ont apporté le bhojpuri (langue maternelle de 42% d’habitants en 2011, qui ne sont toutefois que 5% à la parler à la maison), le tamoul, le bengali, ou encore le mandarin. Ces langues asiatiques complètent la mosaïque linguistiq­ue mauricienn­e.

Si la francophon­ie à Maurice se porte toujours bien, une nouvelle génération d’écrivains mauriciens anglophone­s, nés ou basés à l’étranger, arrive dans les librairies de l’Hexagone. Citons Natasha Soobramani­en, autrice du roman Genie et Paul, traduit en français en 2012 par sa compatriot­e Nathacha Appanah. Ou encore la jeune Priya Hein. Elle parle anglais, français et créole et vit en Allemagne. Son premier roman, Riambel, paru l’été dernier, a reçu le prix Jean-Fanchette. ■

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