Le Beig’ dans l’eau
Hier trublion des lettres parisiennes, aujourd’hui réac exilé au Pays basque, Frédéric Beigbeder nous livre de savoureuses « confessions » à l’ère post-MeToo et des réseaux sociaux.
Frédéric Beigbeder, provocateur ès lettres, avait vocation à passer par cette rubrique. Il est étrange cependant de constater qu’être provocateur de nos jours consiste à se déclarer partisan de la modération, de la courtoisie, de la galanterie, de la présomption d’innocence et de la liberté, valeurs ringardes voire suspectes à l’heure des chasses en meute sur les réseaux et des procès expéditifs dans la presse. Il a eu lui-même un aperçu des méthodes du militantisme 2.0 quand sa maison a été souillée d’inscriptions insultantes, à la suite de la pétition contre la loi sur la prostitution de 2016 qu’il avait eu le malheur de signer, et à ses positions sur les questions de moeurs. « Je me situe plutôt dans le camp d’Élisabeth Badinter et de Sylviane Agacinski que dans celui de Sandrine Rousseau et d’Alice Coffin », concède-t-il dans Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé, où il brocarde les exagérations de l’ère Me-Too, répète son attachement à la liberté d’expression et avertit contre une société de la vengeance où un individu peut avoir à se justifier d’une blague lancée en privé vingt ans plus tôt. Il s’attaque au passage à des icônes comme Annie Ernaux, « richissime depuis 1984 », qui pose selon lui à l’éternelle victime.
Sachant sa réputation fichue aux yeux du camp progressiste, Beigbeder en rajoute en évoquant ses retrouvailles avec le catholicisme et son admiration pour l’armée, dans un texte sur son séjour à l’abbaye de Lagrasse ; et dans un autre sur sa visite au 21e régiment d’infanterie de marine, tirés de précédents recueils. « Je vais vraiment devoir me cacher à la parution de cet ouvrage », plaisante-t-il. Il trouvera bien refuge à l’Académie, traditionnellement hospitalière aux évêques, aux maréchaux et aux honorables réacs dans son genre. ■