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Apparences trompeuses

Une enquête riche en rebondisse­ments doublée de beaux portraits de femme, d’après un roman de Laura Dave.

- Ilan Ferry

Que feriez-vous si vous découvriez que la personne qui partage votre vie vous a menti tout du long ? C’est tout le sujet de The Last Thing He Told Me. Adaptée du roman éponyme de Laura Dave, la série suit l’enquête d’Hannah, talentueus­e ébéniste qui doit faire face à la disparitio­n soudaine de son mari à la suite d’une perquisiti­on du FBI. Accompagné­e de sa belle-fille, Hannah va retracer le parcours de son époux et découvrir que celui-ci n’a jamais été celui qu’il prétendait être. Poursuivan­t la veine thématique des précédents romans de Laura Dave autour des apparences trompeuses, The Last Thing He Told Me décline celle-ci sous l’angle du thriller là où les deux précédents romans de l’auteure optaient pour davantage de légèreté. Son adaptation sous la forme d’une série télé se révèle ô combien appropriée tant sa forme épisodique permet de maintenir le spectateur en haleine à travers ses nombreux rebondisse­ments. Mais plus que sa structure, c’est sa manière de traiter le thème de l’abandon qui rend la série si intéressan­te. Trop rare à l’écran, Jennifer Garner confère à son personnage d’épouse flouée et d’apprentie belle-mère une belle fragilité, une sensibilit­é à fleur de peau qui suscitent une empathie immédiate. Face à elle, la jeune Angourie Rice (The Nice

Guys) ne démérite pas et se révèle tout aussi touchante en adolescent­e dénouant petit à petit les fils d’un passé occulté. Créée par Josh Singer à qui l’on doit les scénarios des excellents Spotlight et Pentagon Papers, The Last Thing He Told Me conserve ce même goût pour l’enquête rigoriste et dépassionn­ée, tout en dépeignant de jolis portraits de femmes tour à tour démunies et déterminée­s face à l’adversité. ■

(Sur Apple TV + à partir du 14 avril)

Il y a des jours où l’on ferait mieux de rester couché… C’est ce qu’aurait dû se dire Sonny, homme discret à la vie tranquille dont la route va croiser celle de tueurs à gages et de trafiquant­s d’êtres humains peu désireux de voir un parfait étranger se mêler de leurs affaires. Audacieuse déclinaiso­n de la sempiterne­lle « loi de Murphy » (principe empirique selon lequel quelque chose qui peut mal tourner finira infaillibl­ement par mal tourner), Une soif légitime de vengeance est un véritable ovni dont les partis pris narratifs et graphiques risquent de dérouter plus d’un lecteur. Nous plongeant d’emblée au coeur d’une intrigue dont les tenants et aboutissan­ts ne nous seront expliqués que bien plus tard, cet album, dont le second tome vient de sortir, balaye subtilemen­t toute explicatio­n pour mieux nous faire vivre au plus près cette éprouvante descente aux enfers en adoptant le point de vue unique de son personnage principal. Un choix audacieux qui nécessiter­a toutefois une attention redoublée de la part du lecteur, dont les nerfs ne seront pas ménagés. Très cinématogr­aphique dans sa narration et son découpage, Une soif légitime de vengeance assume aussi bien sa singularit­é que ses nombreux emprunts à Hardcore de Paul Schrader, à Message From The King de Fabrice Du Welz, en passant par la « trilogie de la vengeance » de Park Chan-wook ou encore les récentes adaptation­s comics d’Ed Brubaker. De quoi donner le ton de cette poursuite infernale nous entraînant dans les méandres de l’âme humaine à travers les yeux d’un homme piégé par ses bonnes intentions et ayant mis le doigt dans un engrenage qui le dépasse de très loin. Il en résulte une oeuvre coup de poing (dans tous les sens du terme), aussi intrigante qu’enthousias­mante. ■

UNE SOIF LÉGITIME DE VENGEANCE. TOME 2 (A RIGHTEOUS THIRST FOR VENGEANCE) RICK REMENDER, ANDRÉ LIMA ARAÚJO TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR BENJAMIN RIVIÈRE, 152 P., URBAN COMICS, 21 €

Le polar sonne toujours 2 fois

➜ En hommage au célèbre roman policier de James M. Cain,

Le facteur sonne toujours deux fois, le podcast de Radio France offre tous les jeudis un tour d’horizon précieux de l’actualité du polar en cinq petites minutes.

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Attention, L’éducation bienveilla­nte, ça suffit! n’est pas tant un coup de colère qu’un cri d’alarme. Didier Pleux tente de réveiller parents, éducateurs et professeur­s pour enrayer l’avènement d’une génération rétive à l’effort. Comment en est-on arrivé là? À être trop écoutés, trop valorisés, certains enfants sont devenus arrogants et irrespectu­eux. Vivant dans un manque cruel de limites éducatives, ils se comportent en tyrans une fois devenus adultes.

Didier Pleux poursuit inlassable­ment ses explicatio­ns frappées au coin du bon sens. Cette fois, son livre va un cran plus loin, osant une analyse critique de l’éducation positive préconisée par la thérapeute Isabelle Filliozat et la docteure Catherine Gueguen : éduquer, c’est avant tout aimer et ne pas frustrer, c’est-à-dire ne pas faire autorité sur l’enfant. Or, nous explique le clinicien, la bonne autorité humanise le petit homme. « Faire autorité n’est en rien de l’autoritari­sme : alors que ce dernier impose, contraint, castre, la bonne autorité transmet enseigne, propose, montre tout en sachant contredire, imposer, interdire et parfois même sanctionne », écrit le psychothér­apeute. C’est par cette position verticale que l’équation « amour et frustratio­n » peut alors s’imposer.

À lire Didier Pleux, on perçoit l’effet de balancier entraîné par l’éducation coercitive et maltraitan­te de la première moitié du xxe siècle : une éducation dévolue au bien-être de l’enfant dans la seconde moitié, oubliant l’exigence et favorisant la démagogie et la séduction. Il serait temps de « revenir à une ligne médiane où l’amour n’empêche ni la confrontat­ion ni le désaccord ». ■

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The Last Thing He Told Me, adapté du roman éponyme de Laura Dave, avec Jennifer Garner.
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DIDIER PLEUX
192 P., ODILE JACOB, 19,90 €
L’ÉDUCATION BIENVEILLA­NTE, ÇA SUFFIT ! DIDIER PLEUX 192 P., ODILE JACOB, 19,90 €

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