Benjamine Weill. Le rap est-il misogyne?
Souvent pointé du doigt en raison de paroles parfois ultrasexistes et/ou racistes, le hip-hop mérite toutefois une observation bien plus précise, selon
Le rap hostile aux femmes? Difficile de dire non, lorsque les échos que l’on en a viennent de ses morceaux et interprètes les plus mis en avant. L’image de la femme y oscille entre les deux pôles opposés de la sainte et de la putain. Textes et clips la décrivent comme un trophée hypersexualisé, une marchandise de plus dans un univers bling-bling, sacrifiée sur l’autel de la consommation. Cela posé, écouter du rap en étant soi-même femme ne peut que déclencher réactions ironiques et commentaires désapprobateurs. Les adeptes du rap ne seraient que des misogynes, des virilistes patentés aujourd’hui bien nombreux, celui-ci étant le genre musical le plus populaire en France.
Si une partie de cette production musicale y ressemble effectivement, c’est une pointe de l’iceberg qui surnage médiatiquement et masque sa réalité comme son évolution depuis son apparition. L’agacement suscité par une mise au pilori définitive ayant pour argument de base la défense de la condition féminine est le point de départ d’À qui profite le sale?. Benjamine Weill y retrace l’épanouissement d’une industrie qui met des coups sévères à la charge impertinente et subversive de cette musique venue des banlieues. Il ressort que le rap n’a jamais eu comme spécificité d’être un objet culturel plus sexiste qu’un autre. Sa caricature actuelle, qui promeut la réussite d’individus, la culture du clash ou un comportement « sale » qui encense vices et violences dont celles contre les femmes, ne résume pas un genre sévèrement écorché par le showbusiness. Et les tentatives de l’y réduire disent plutôt quelque chose du fond raciste qui alimente ces discours ignorants d’une multitude de raps en résistance passés et présents, engagés et labellisés à contrecourant du système. ■