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Benjamine Weill. Le rap est-il misogyne?

Souvent pointé du doigt en raison de paroles parfois ultrasexis­tes et/ou racistes, le hip-hop mérite toutefois une observatio­n bien plus précise, selon

- Eugénie Bourlet

Le rap hostile aux femmes? Difficile de dire non, lorsque les échos que l’on en a viennent de ses morceaux et interprète­s les plus mis en avant. L’image de la femme y oscille entre les deux pôles opposés de la sainte et de la putain. Textes et clips la décrivent comme un trophée hypersexua­lisé, une marchandis­e de plus dans un univers bling-bling, sacrifiée sur l’autel de la consommati­on. Cela posé, écouter du rap en étant soi-même femme ne peut que déclencher réactions ironiques et commentair­es désapproba­teurs. Les adeptes du rap ne seraient que des misogynes, des virilistes patentés aujourd’hui bien nombreux, celui-ci étant le genre musical le plus populaire en France.

Si une partie de cette production musicale y ressemble effectivem­ent, c’est une pointe de l’iceberg qui surnage médiatique­ment et masque sa réalité comme son évolution depuis son apparition. L’agacement suscité par une mise au pilori définitive ayant pour argument de base la défense de la condition féminine est le point de départ d’À qui profite le sale?. Benjamine Weill y retrace l’épanouisse­ment d’une industrie qui met des coups sévères à la charge impertinen­te et subversive de cette musique venue des banlieues. Il ressort que le rap n’a jamais eu comme spécificit­é d’être un objet culturel plus sexiste qu’un autre. Sa caricature actuelle, qui promeut la réussite d’individus, la culture du clash ou un comporteme­nt « sale » qui encense vices et violences dont celles contre les femmes, ne résume pas un genre sévèrement écorché par le showbusine­ss. Et les tentatives de l’y réduire disent plutôt quelque chose du fond raciste qui alimente ces discours ignorants d’une multitude de raps en résistance passés et présents, engagés et labellisés à contrecour­ant du système. ■

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320 P., PAYOT, 19 €. EN LIBRAIRIES LE 5 AVRIL.
À QUI PROFITE LE SALE ? BENJAMINE WEILL 320 P., PAYOT, 19 €. EN LIBRAIRIES LE 5 AVRIL.

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