HANNA BERVOETS • LIZE SPIT La relève du Nord
Avec des livres sombres, dérangeants, obsédants, une jeune génération d’écrivains talentueux venus des Pays-Bas ou de Belgique témoigne d’une nouvelle vitalité romanesque.
On avait découvert Hanna Bervoets l’année dernière alors qu’elle inaugurait le catalogue de la maison d’édition marseillaise Le Bruit du monde. Avec une poésie âpre, clinique, elle racontait le quotidien étouffant d’une « éboueuse du Web », une modératrice de contenu chargée de nettoyer Internet de toutes ses pires atrocités. Elle revient aujourd’hui avec L’Expérience Helena, un récit plus ample qui nous précipite au coeur des années 1990, dans un New York sombre et désenchanté, ravagé par le sida. Elle bâtit un triangle amoureux étrange, bourré de secrets, entre un étudiant en journalisme, une scientifique obsédée par les origines du VIH et son assistante dévouée. Un texte magnétique qui confirme l’éclosion d’une plume acérée.
Autre jeune espoir prometteur, Toine Heijmans était lui presque porté disparu depuis son prix Médicis obtenu avec En mer, récit fulgurant du naufrage d’un bateau autant que d’un naufrage familial. Dix ans plus tard, Dette d’oxygène (Belfond) délaisse les flots tapageurs pour s’aventurer dans les cimes enneigées en ★★★☆☆ imaginant le destin contrarié de deux amis alpinistes de l’extrême. D’un milieu hostile à un autre, l’auteur explore encore et encore la distorsion des liens humains lorsqu’ils se confrontent à la violence impitoyable de Dame Nature.
Enfin, si elle est née juste de l’autre côté de la frontière, la Flamande Lize Spit illumine elle aussi ce printemps littéraire aux forts accents néerlandais. Révélée avec Débâcle, un insoutenable roman noir sur les cruautés adolescentes, elle continue à creuser son sillon vénéneux avec Je ne suis pas là. Léo et Simon viennent d’emménager ensemble à Bruxelles et vivent une idylle complice aux allures de bonheur idéal. Mais leur vie sombre soudainement dans le chaos quand le trouble bipolaire de Simon se déclenche sans prévenir pour ne jamais plus les quitter. Prise au piège des décisions intempestives et des délires paranoïaques de son conjoint, Léo devient la voix envoûtante d’un long cri d’impuissance et d’incompréhension, elle se métamorphose en héroïne d’un combat quotidien dont on ne saura l’issue qu’à la toute dernière page. ■ ★★★★☆