Lire

LE NOUVEAU ROBERT REDEKER

- Jean Montenot

L’âme a disparu des horizons de la pensée contempora­ine. Privé de l’âme, l’homme moderne n’est pas devenu un homme normal, mais un homme conforme. Tel est le constat sévère de L’Abolition de l’âme. Robert Redeker y interroge avec perspicaci­té le sens de l’oubli progressif d’une notion essentiell­e à la réflexion philosophi­que. Pour nommer cette réalité qui semble n’être rien, mais au fond qui est tout, saint Thomas d’Aquin (xiiie siècle) utilisait la tournure hoc aliquid

(« ce quelque chose »), Benito Feijo

(xviiie siècle) el no sè què (« le je-ne-saisquoi »). Car, au-delà du principe d’animation des vivants qu’elle fut pour Aristote et pour une longue tradition, l’âme ouvre sur « l’inflexible de l’humain – ce qui, en moi, en tous, ne courbe pas l’échine. Ce mot dit l’aspiration à la pureté. Chaque fois qu’un homme ou une femme [Antigone par exemple] aspire à plus de pureté, c’est l’âme qui se manifeste. » L’homme flexible n’a donc pas d’âme ou n’en a plus. Redeker analyse les motifs de cet évitement du sujet moderne : obnubilé par son ego, réduisant l’âme au mental ou à un

« entassemen­t de valeurs », privé de vie intérieure, il s’est « désanimé ».

De « refoulemen­t » en « déglingue », ce processus a réduit l’âme à un flatus vocis, une inanité sonore. Voilà pourquoi, sans souci ni soin de l’âme, dans un ciel vidé de ses dieux et brisé en mille morceaux disséminés, « lunaparkis­és », « dépneumati­sés », « digitalisé­s », livrés à leurs addictions, les hommes, sans gravité ni légèreté, ne sont plus à même de prendre en charge leur propre existence.

 ?? ?? ★★★☆☆
L’ABOLITION DE L’ÂME ROBERT REDEKER 350 P., LE CERF, 24 €
★★★☆☆ L’ABOLITION DE L’ÂME ROBERT REDEKER 350 P., LE CERF, 24 €

Newspapers in French

Newspapers from France