Ce n’est pas ce que vous croyez !
Les théories complotistes saturent nos écrans : des vérités alternatives tantôt saugrenues tantôt paranoïaques. Une rhétorique aux accents anticonformistes qui donne l’illusion d’une réflexion critique et surtout d’une parole intègre. Dès 1789, des théories conspirationnistes se multiplient sur les architectes en sous-main de la Révolution : les francs-maçons, les Lumières, les protestants, les IIluminaten de Bavière et autres maudits Anglais. Et si tout était de la faute à Voltaire ? Et pourquoi pas du duc d’Orléans, de Necker, de Weishaupt, de William Pitt aussi ? La main cachée obsède les esprits politiques de l’Ancien Régime comme ceux du xxie siècle. C’est ce que démontre brillamment dans son dernier livre l’historien Edmond Dziembowski, qui nous plonge jusqu’aux origines de cette fièvre :
« Les adeptes de la main cachée, hier comme aujourd’hui, ne sont dans leur majorité ni des imbéciles ni des fous. »
Si en effet nombre d’intellectuels pourtant brillants et même bienveillants se perdent dans des thèses farfelues, d’autres se compromettent dans la démence et la haine. Les charges de l’abbé Barruel contre la « machine criminelle » du jacobinisme qu’il accuse de tous les maux de la Révolution résonnent dans les discours antimaçonniques du collabo Bernard Faÿ. « L’une des toutes premières mesures du gouvernement de Vichy, le 13 août 1940, a été d’interdire les sociétés secrètes, terme faussement vague qui ne trompe personne sur la cible visée. »
Et, dans cette Main cachée. Une autre histoire de la Révolution française,
l’éminent professeur Dziembowski prédit au complotisme qui traverse les siècles « un riche avenir ».