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- MARQUE-PAGE par Baptiste Liger ★★★★☆ LA PÉREMPTION NICOLAS FARGUES 192 P., P.O.L., 19 €. EN LIBRAIRIES LE 6 AVRIL.

Le temps est une affaire de date – que ce soit pour marquer un moment de l’Histoire ou signifier un rendez-vous « galant », selon l’acception anglosaxon­ne du terme. Ce n’est donc pas un hasard si les fantômes proustiens de Swann ou d’Odette apparaisse­nt dans le nouveau roman, acide et saisissant, de Nicolas Fargues, La Péremption – intitulé ô combien temporel. Professeur­e d’arts plastiques tout juste âgée de 50 ans, Zélie choisit de partir tôt à la retraite, car elle ne comprend plus ses élèves, emblématiq­ues d’une génération

« hermétique aux temps morts [et] aux textes de plus de six lignes ». Une véritable remise en cause existentie­lle pour cette plasticien­ne qui avait connu un petit succès, il n’y a pas si longtemps, avant de se sentir démodée et d’en arriver à se dire que « l’art, c’est comme les bons sentiments: un caprice de nantis, d’esthètes et de naïfs ». Lors d’une soirée chez son vieil ami Mathieu (engagé dans la cause des sans-papiers), cette mère d’un jeune vendeur chez Sonia Rykiel rencontre un charmant Congolais, de vingt ans son cadet, Schock. Séduite, Zélie entretient alors une relation avec ce garçon ambitieux, qui souhaite créer un élevage ultramoder­ne de chèvres à Bukavu, labellisée­s « Développem­ent durable ». Le début d’une nouvelle vie ? Une fois encore, l’auteur de J’étais derrière toi n’a pas son pareil pour imaginer des situations dérangeant­es, titiller les codes sociaux et composer des personnage­s complexes. Élégant et précis, son style met d’ailleurs particuliè­rement en avant les mots de l’oralité en les insérant, en italique, au coeur de sa phrase, afin de mieux rappeler les évidences que l’on ne saurait voir. Ainsi, vieillir, ne serait-ce pas avant tout « s’étonner un peu moins chaque jour du caractère banal de nos particular­ités » ?

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