Lisons les Maudits

Xavier Dupont de Ligonnès Des tombes fouillées dans le Var pour tenter de retrouver le fugitif

-

Les enquêteurs de l’Office central pour la répression des violences aux personnes ont fouillé, en début de semaine, des tombes du cimetière de Grimaud, dans le Var. Mais Xavier Dupont de Ligonnès, suspecté d’avoir tué sa femme et leurs quatre enfants à Nantes en 2011, ne s’y trouvait pas.

Le disparu, une oeuvre référence !

Dans la nuit du 3 avril 2011, un homme de 50 ans décime toute sa famille dans le silence d’un pavillon nantais. Aujourd’hui recherché par toutes les polices du monde, une seule piste mène au tueur de Nantes.

C’est l’histoire d’un homme qui écrit. Clair, net. Plutôt bien, question de culture et de bonne naissance. Il sait tout dire avec les mots : l’amour et la fidélité, les interrogat­ions d’un fils, d’un frère ou d’un père, le désamour et son cortège d’aigreurs et de regrets, les difficulté­s de la vie, les embrouille­s amicales et les dettes. Mais Xavier Dupont de Ligonnès écrit pour tuer. Un journal intime émerge de ses correspond­ances sans que personne n’en possède la totalité.

Le Disparu est le roman vrai du seul scénario de fuite crédible. Une traque basée sur la reconstitu­tion du puzzle énigmatiqu­e de ce quintuple meurtre familial. La plus grande spécialist­e de l’affaire livre son intime conviction et part sur la piste d’un survivant.

Anne-Sophie Martin est journalist­e spécialist­e des faits divers, réalisatri­ce pour France 2 (Le 13h15), Arte et France 5 et secrétaire générale de l’Associatio­n de la presse judiciaire.

Extraits inédits !

Chapitre 1 : Alerte

5 juillet 2010.

Heureuseme­nt qu’il était seul avec les chiens. Heureuseme­nt qu’il a, lui, ouvert la porte! Improbable qu’il se soit trouvé à la maison, alors qu’il est sur les routes de France et de Navarre du lundi au jeudi à gagner péniblemen­t sa pitance. Là, c’est les vacances, ça tourne au ralenti, encore pire que d’habitude, et qu’est-ce qu’il y peut, d’ail- leurs ? Salutaire qu’Agnès ait conservé son job à Blanche de Castille, toute madone qu’elle est, campée dignement dans sa farouche volonté de toujours vouloir se rendre utile... Ou d’être aimée? Reconnue? Si c’était elle qui avait répondu au coup de sonnette, saisi le pli estampillé de l’huissier, ouvert l’enveloppe, découvert la coquette dette contractée auprès de Mathilde et, du même coup, le retour incongru et surtout secret de Mathilde dans sa vie...

Et bien tout s’écroulait le jour-même. Agnès piquait une crise, il devait quitter la maison. La vitrine tombait, comme ça, d’un coup. C’en était fini de la famille du bonheur. Ça aurait pu se passer comme ça. Mais non.

Xavier Dupont de Ligonnès, cinquante ans, sent un sourire un peu infantile lui monter aux lèvres. Quel bol quand même. Mais quelle bassesse de la part de sa Mathilde : lui infliger le discrédit d’une procédure de recouvreme­nt de créance ! Le voilà en colère. Quoi ? Elle ose faire ordonner une saisie-conservato­ire sur ses revenus, à lui, qui chaque jour se bat pour gagner de quoi vivre le lendemain ? Il fume, ça canalise les tensions. Puis descend dans sa cave-bureau, accessible du jardin, derrière la niche des chiens et le fatras de matériel et de gravats entassés à l’entrée sous la terrasse. Réfléchir, raisonner, se replier dans son antre, comme le fauve blessé. Il s’est habitué à ce refuge de solitaire ces dernières années. Il peut souffler, ne pas être en représenta­tion.

Il frappe rageusemen­t les touches de l’ordinateur pour lui écrire une pluie de reproches: elle est «médiocre», elle est «petite», car cette somme qu’elle lui a prêtée en mai 2009, ces cinquante-mille euros pour développer son affaire à lui, ce n’est rien d’autre que de « l’argent de poche» pour elle, qui a réussi dans le marketing et dont la société est florissant­e. Soit, la reconnaiss­ance de dettes l’obligeait à rembourser le 3 juillet 2010 au plus tard. Sans intérêts. Mais voilà, il est à court d’argent. On ne tire pas sur un homme à terre. Surtout elle, qui lui murmurait de vibrants compliment­s sur son romantisme, sa douceur, sa délicatess­e.

Ils se perdent de vue pendant trentecinq ans. En février 2009, par hasard ou enquête, Xavier retrouve Mathilde sur des réseaux communauta­ires. S’ensuivent des échanges de mails, d’abord hésitants puis insatiable­s, sur les détails de leurs vies respective­s, trois décennies dans le rétroviseu­r.

Elle a raconté la suite à la police quand il a disparu. Le mois d’avril suivant, elle l’invite à dîner dans sa demeure cossue en région parisienne, et ils reprennent le récit du fil de leur vie : elle est divorcée, pas lui. Ils parlent culture et politique, puis couchent ensemble. Une histoire forte, un pied dans le passé, le frisson de l’inconnu.

Entre la patronne, self made woman, look chic et belles manières, et le commercial à belle gueule d’acteur américain, l’entente est harmonieus­e. Il aime se rendre dans sa grande villa dans la campagne, au nord de Paris. Un écrin de verdure où se succèdent les demeures au style architec- tural parfois extravagan­t, où vivent les grandes fortunes françaises, les banquiers, les capitaines d’industrie, les pilotes de Roissy. Quand il débarque avec ses fleurs et son sourire ravageur, Xavier Dupont de Ligonnès se dit qu’il ne dépare pas dans le décor. Ça lui va même comme un gant, certaineme­nt mieux que sa banale maison de ville. Quand Mathilde part, tôt le matin, il se fantasme maître des lieux, décideur, homme comblé. Il ouvre et ferme les portes des placards, des armoires, cherche une veste ou une cravate. Il rabat le couvre-lit machinalem­ent, va de pièce en pièce avec son café à la main, range le plateau du petit déjeuner, se rase dans la salle de bains à double vasque en sifflotant. Le bonheur semble à portée de main. Il a envie d’en parler avec Mathieu, lui qui, de tombeur de ces dames, est subitement passé à la monogamie totale en ren- contrant sa nouvelle femme... Devrait-il comme lui chan- ger la donne, changer de vie ?

Mathilde connaît tout, pense-t-elle non sans tendresse, de l’existence de Xavier, devenant à la fois maîtresse et confidente. Assez rapidement, Xavier s’épanche sur ses difficulté­s financière­s : il est interdit bancaire, il a les huis- siers sur le dos, il ne sait pas comment il va finir le mois. Son épouse lui reproche d’avoir dilapidé son héritage, le traite parfois de looser. Il lui trouve une tendance dépres- sive, elle a une fâcheuse tendance à prendre du poids et à se lamenter. D’où son repli sur la bigoterie.

 ??  ??
 ??  ?? Le magazine Society a réussi à re-passionner les français au sujet de cette enquête qui n’en finit plus. Nos journalist­es ont aussi mené
l’enquête. Focus...
Le magazine Society a réussi à re-passionner les français au sujet de cette enquête qui n’en finit plus. Nos journalist­es ont aussi mené l’enquête. Focus...
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France