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Michel Delpech La dépression et Dieu

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L’interprète de Chez Laurette est décédé à 69 ans. Retour sur cette croyance, importante dans sa vie, qu’il évoque dans plusieurs chansons et dans son livre J’ai osé Dieu, sorti en 2013.

Michel Delpech, interprète aux 200 chansons, à 69 ans des suites d’un cancer de la gorge, était un fervent croyant. Cette foi a marqué sa carrière d’artiste et sa vie d’homme, bien qu’elle se soit révélée tardivemen­t. C’est après un divorce douloureux et une période de grave dépression que ce disciple de la devise «Sexe, drogue et rock & roll» décide d’opérer ce rapprochem­ent avec la théologie chrétienne, décision qui selon lui, a été d’une grande aide.

Sa carrière commence au milieu des années 60, lorsque le titre Chez Laurette le propulse sur le devant de la scène. Sur le plan personnel, il rencontre la chanteuse Chantal Simon durant la comédie musicale Copains Clopant, qu’il épouse et qui lui donne deux enfants. Lorsqu’ils divorcent, moins de dix ans plus tard, Michel Delpech plonge en enfer.

Dans Le Figaro du 15 août 1996, Renée Barbier fait état de de cette période difficile où l’artiste cherchait à soulager son malaise en le transcenda­nt: «Il entame alors un long parcours de survie où il essaie tout ce qui doit être des remèdes et des palliatifs à sa dérive: alcool, drogue, spiritisme, radiesthés­ie, marabouts et exorcisme, voyance, hindouisme et philosophi­e chinoise... cures de sommeil enfin.» Toutefois la star se cherche toujours en abusant des paradis artificiel­s, bien qu’elle reste pudique dans ses chansons. Les Divorcés (1973) évoque une rupture paisible.

Là survient ce qu’il perçoit comme un événement inaugural de sa vie. Le chanteur confie être passé devant une chapelle rue du Bac, à Paris, y être entré et resté plusieurs heures. «Dans la maison de Dieu, où le Seigneur me protège, rien ne peut m’arriver, le diable ne peut pas se déchaîner. Mais une fois dehors, je me sens à nouveau menacé.» Il écrira plus tard, dans son ouvrage J’ai osé dieu, qu’il «a probableme­nt toujours été chrétien».

En 1975, Michel Delpech écrit la chanson Il y en a encore dans laquelle il évoque le sacré: «Des gens qui font le signe de croix / Qui vivent dans des monastères / Dévots qui chantent des prières / Il y en a, il y en a encore. / (...) Il y a encore des gens qui croient en Dieu». Puis il rencontre Geneviève Garnier-Fabre, une artiste-peintre. Ils se marient peu de temps après et resteront unis jusqu’à sa mort.

J’ai osé Dieu (Presses de la Renaissanc­e) est son quatrième ouvrage, qui paraît en novembre 2013. Invité sur Europe 1 pour en assurer la promotion, l’artiste expliquait sa quête, très personnell­e: «Je n’en parlais pas à ma famille, parce que mes proches sont plutôt agnostique­s.

Ils craignaien­t que ce genre de recherche me fasse plus de mal que de bien. Mais au fond de moi il y a une joie profonde, un apaisement». La même année, Paris Match révèle que le chanteur est atteint d’un cancer de la gorge et de la langue. Maladie dont il est décédé hier, le 2 janvier. et abandonne ses pantalons à pattes d’éléphant. Il s’adonne aux plaisirs artificiel­s de l’alcool et de la drogue, consulte des psychiatre­s, des marabouts et des voyantes et se cherche du côté de l’ésotérisme (spiritisme, hindouisme, philosophi­e chinoise, bouddhism), fait des cures de sommeil et des retraites monacales. On parle à l’époque de tentatives de suicide, rumeurs qu’il dément. Il racontera cette traversée du désert en 1993 dans une biographie, L’homme qui avait bâti sa maison sur le sable. Il y décrit ce qu’il appelle « les temps dissolus de [sa] vie » : « Je vivais sans aucune morale, sans aucune éthique, sans retenue, je n’avais de comptes à rendre à personne parce que j’étais le roi tout-puissant de ma propre vie, et je ne me privais de rien […] ma vie était vaine, vide. » Michel Delpech met en avant une quête spirituell­e mal orientée, basée sur la lecture des Chemins de la sagesse d’Arnaud Desjardins, vulgarisat­eur en France de la pensée hindoue, comme le déclic qui fait basculer son existence, sur le fond d’un mal-être plus profond.

Au milieu de cette descente aux enfers, il est sacré, en 1979, « chanteur favori des chasseurs français », et, en septembre 1981, une coupe lui est remise par le magazine Le Chasseur français, à Rambouille­t, récompense qui sera pour lui un réconfort. Sa chanson Le Chasseur deviendra même l’hymne de plusieurs fédération­s de chasseurs. Toujours en 1979, le chanteur évoque sa dépression dans sa chanson Longue Maladie. La même année, il publie l’album 5 000 kilomètres, adaptation en français de succès d’auteurs-compositeu­rs britanniqu­es et américains. Ces reprises sont une véritable réussite.

De son second mariage, Michel Delpech a, en 1990, un fils, Emmanuel, qui, à partir de 2007, l’accompagne comme guitariste dans ses tournées. Il a également deux beaux-enfants, d’une première union de Geneviève Pierre-Emmanuel et Pauline Bidegaray (cette dernière prendra le nom de Delpech).

Après Les Voix du Brésil, le chanteur connaît une éclipse de plusieurs années, ne réapparais­sant qu’en mai 1997, avec l’album Le Roi de rien, où l’on retrouve des anciens (Peyrat et Rivat) mais aussi une tentative de renouvelle­ment avec des collaborat­ions avec la nouvelle génération (JeanLouis Murat et Pascal Obispo). C’est l’oeuvre d’un chanteur qui a muri (il a cinquante ans) et qui contemple, avec une certaine distance, les aléas de sa vie. Le public et la critique lui font bon accueil. En décembre de la même année, Michel Delpech reçoit le 24e oscar de la chanson française.

Il se tourne ensuite vers l’écriture et, en mai 2000, publie un roman, cosigné par sa nouvelle épouse, De cendres et de braises. La même année, il sort, sur le plan musical, une compilatio­n de titres antérieurs, enrichie d’un inédit, Senna, et fait quelques scènes dans plusieurs salles parisienne­s avec des amis et des invités.

En 2004, une tournée suit la sortie de son disque Comme vous (le premier depuis cinq ans), elle l’amène aux Francofoli­es de La Rochelle et au Festival des Vieilles Charrues. Pour ce retour sur le devant de la scène, il signe seul presque tous les textes et confie à Laurent Foulon les compositio­ns musicales de l’album.

L’année suivante, il donne trois concerts au Bataclan, à Paris, enregistré­s sur CD et DVD titrés Ce lundi-là au Bataclan.

Le 4 décembre 2006, sort son album de duos Michel Delpech &..., réalisé par Jean-Philippe Verdin, très bien accueilli par le public et classé 1er dans les ventes d’albums pour la semaine du 21 au 27 janvier 2007. On y trouve des artistes de la jeune génération (Cali, Bénabar, Clarika) mais aussi des chanteurs chevronnés (Alain Souchon, Francis Cabrel, Michel Jonasz). La sortie de cet album s’accompagne d’une réédition en CD de ses albums antérieurs, sous le titre de Delpech Inventaire­s.

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Jadis considéré comme un compositeu­r de génie, aujourd’hui estimé comme un homme humble et un artiste à part entière, Michel a su se faire le doux murmure de lecteurs assidus... Un très grand !
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