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Palmarès des pires scènes de sexe de la littérature
Alors que les ébats sexuels lesbiens représentés dans La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche ont embarrassé bon nombre de spectateurs, The Literary Review a publié une sélection de dix romans pour lesquels le lecteur a pu également se sentir de trop. Pour ce vingt et unième Bad Sex Award, le magazine tentera de départager ces écrivains, non répertoriés dans la littérature pornographique ou érotique, qui se sont attelés à la description d’une scène torride de façon maladroite ou avec un manque de tact évident. Redondances, métaphores douteuses, narration de pratiques sexuelles déviantes, plusieurs choix faits par ces auteurs peuvent surprendre et rapidement virer au ridicule.
Un prix qui s’internationalise
Cette année plus que les autres, la revue a tenté de ne pas circonscrire son classement aux écrivains britanniques ou américains, car après tout, les Anglo-Saxons n’ont pas l’apanage de la vulgarité en termes de sexe romancé. Plusieurs pays sont donc représentés, comme l’Inde, avec Manil Suri, et la France, avec Éric Reinhardt. Ce dernier se trouve embarqué dans ce palmarès peu reluisant, avec Le Système Victoria, paru en France en 2011, mais n’ayant pris place dans les rayons des libraires britanniques que cette année. En effet, cette liste est restreinte à des oeuvres de la rentrée littéraire 2013 en Grande-Bretagne, d’où la présence de Woody Guthrie, le chanteur folk américain décédé en
La revue britannique The Literary Review a dévoilé une liste de huit livres - dont Le Système Victoria d’Éric Reinhardt -, parus cette année, qui se sont fait remarquer pour leurs descriptions sexuelles particulièrement crues ou risibles. Morceaux choisis.
1967, mais dont House of Earth est sorti cette année. Le lauréat sera communiqué le 3 décembre prochain. L’an dernier, c’est la Franco-Canadienne Nancy Huston, avec Infrared, qui avait remporté ce prix plutôt encombrant.
Une prose maladroite
Malgré une liste bien définie, difficile de savoir quels passages sont exactement incriminés par The Literary Review. Pour donner quelques pistes, le magazine s’amuse à publier sur son compte Twitter des extraits de ces scènes de sexe, sans préciser l’auteur des lignes, dont voici un petit florilège:
«Il plongea deux doigts dans sa vulve et commença à sonder son canal vaginal, comme s’il cherchait ses clés de voiture perdues.»
«Elle a ressenti ses émotions monter si fort et si haut que son corps a fondu en une seule note de musique.»
«Je me suis approché de sa bouche, elle sentait le melon mûr. Pas la pastèque rouge sang de Toscane, mais la variété vert pâle que j’avais achetée.»
«Il me tire vers lui afin que mon corps se plie contre lui comme la position de yoga dite ‘‘de l’arc’’ que nous avons déjà pratiquée. Je sens son pénis grimper le long de ma cuisse.»
«Elle désire au plus profond d’ellemême sucer chaque goutte, toutes les gouttes, de ce jus chaud qu’il a tiré de son estomac.»
«Je la chevauchais fort, labourant profondément et savourant la sensation de mon corps dans le sien. La chaleur était incroyable, ma chair contre la sienne l’étourdissait, et en se démembrant, m’arracha une voix que je ne me connaissais pas. Les ravages de mon plaisir déferlaient encore et encore, comme un tremblement du fond des mers.»
À quoi pensent les auteurs quand ils écrivent une scène de sexe ?
1960, au Royaume-Uni. La maison d’édition Penguin Books est acquittée. L’ouvrage qu’elle vient de publier, L’amant de Lady Chatterley, de l’écrivain anglais D.H Lawrence, passe sous le coup d’une nouvelle loi sur les publications obscènes. Les éditeurs de textes qualifiés ainsi échapperont désormais à la condamnation, s’ils peuvent démontrer la valeur littéraire de l’oeuvre.
À sa première publication en 1928, le roman de D. H Lawrence avait provoqué une tollé, pour ses scènes de sexe explicites et l’emploi répété du verbe «fuck». Ce procès gagné, plus de 30 ans plus tard, aurait ouvert la voie à une recrudescence de scènes descriptives, crues, sexuelles. Saut dans le temps jusqu’aux années 2010 : la trilogie érotique Fifty Shades of Grey se vend par millions d’exemplaires.
Euphémismes à rallonge, érotisme subtil, ou descriptions explicites : comment les romanciers écrivent le sexe aujourd’hui ? Ont-ils besoin de se mettre dans un état particulier ou d’être dans un certain environnement pour coucher ces mots qui excitent ? Que ressentent-ils en mettant à nu, littéralement, leurs personnages ? Ont-ils des craintes quant au jugement de leur lectorat ? Quatre romanciers, deux hommes, deux femmes, aux sexualités différentes et aux styles littéraires dissemblables, se confient.
Nina Bouraoui : «Les scènes de sexe sont solitaires, violentes, souvent fantasmées»
Pas de condition ou d’environnement exigés pour écrire une scène de sexe. Nul besoin non plus d’être d’une certaine humeur pour cela ou de se mettre dans un certain état. Parce que son «désir d’écrire une scène plus sexuelle ne se prévoit pas vraiment, il surgit dans le récit». Son écriture est instinctive. Suit le parcours de vie, aussi les émotions de son héroïne. Celleci, seule, enfermée, souffre du poids de la tradition et des tabous familiaux dans La voyeuse interdite , le premier roman de Nina Bouraoui, publié à ses 24 ans, alors les scènes de sexe sont «solitaires, violentes, souvent fantasmées». Plus tard, dans Nos baisers sont des adieux (Stock), l’auteure, 40 ans, poétise ces scènes là. Elles sont romantiques et sensuelles.
Mais d’un roman à l’autre signé Nina Bouraoui, subsiste un point commun aux scènes de sexe : celles-ci ne se trouvent pas, en bloc, entre les pages 68 et 69. Elles sont infusées dans le papier, dans l’ouvrage entier. «Mes livres ont des soubassements sensuels, sexuels, et je n’ai pas toujours besoin d’écrire ces scènes de façon précise, démêle Nina Bouraoui. Elles sont suggérées, ou comme fantomatiques, en arrière scène du texte, mais toujours présentes.»
«Il m’est plus facile d’écrire des scènes entre un homme ou une femme, ou entre deux hommes», remarque l’auteure. Par pudeur ? «Plutôt par distance, peut-être, je ne sais pas. Je n’ai jamais eu honte d’écrire sur l’homosexualité féminine, mais c’était plus intellectuel que charnel.» Comme dans Tous les hommes désirent naturellement savoir (JC Lattès), son dernier roman, où la scène de sexe est aussi, surtout, «une scène de victoire sur soi». «Ce n’est pas seulement faire l’amour, c’est devenir, par l’acte, homosexuelle physiquement : c’est presque une scène politique.»
Nina Bouraoui n’a jamais été gênée d’évoquer sa sexualité. «Très vite, très tôt», dès sa jeunesse, elle a «dû écrire sur elle pour défendre [s]es droits, éclairer les ignares», expliquet-elle. Par ses écrits, il lui fallut faire comprendre, que, «non, entre deux femmes, ce n’est pas forcément doux, bien au contraire : à égalité, les forces s’épanouissent, se répondent, se démultiplient.»
L’auteure aime les écrire, ces scènes, pour leur «pouvoir surpuissant, aphrodisiaque». Elle aime ce fait, que nos imaginaires, infinis, puissent être stimulés par quelques lignes. Elle pense même que «les mots sont encore plus vertigineux que les images cinématographiques». Elle aussi les lire ces scènes, elles dans les textes de Annie Ernaux, par exemple, qui, «arrivent comme une gifle, une invitation et suscitent aussitôt le désir, le feu aux joues».