Lisons les Maudits

Triste géopolitiq­ue :

Poutine et Xi Jinping, fruits amers de la mondialisa­tion !

- Par Thomas Messias

Début février, les deux présidents ont accéléré leur rapprochem­ent, sur fond de défiance face à l’OTAN. Poutine a d’ailleurs affirmé son soutien à la Chine, désireuse de mettre la main sur Taïwan.

Vladimir Poutine envahit l’Ukraine et Pékin réaffirme à propos de Taïwan que la réunificat­ion nationale de la Chine doit être et sera certaineme­nt réalisée. Pourquoi se gêner? Personne n’ira mourir pour Kiev et Taipei et, dans une économie mondialisé­e, tout le monde a à perdre à une réelle rupture des relations commercial­es et financière­s.

Le 24 février au matin, le monde a découvert avec stupeur que la Russie était passée à l’offensive en Ukraine. À l’ère des images prises depuis les satellites, il n’était plus possible de cacher des mouvements de troupes importants. On savait que Poutine préparait cette offensive, c’était évident, mais cela nous arrangeait de croire qu’il faisait tout ça simplement pour rappeler au monde qu’il fallait compter avec la Russie et obtenir quelques engagement­s diplomatiq­ues sur la sécurité de son pays et le maintien de l’Ukraine hors de l’OTAN.

Mais les avertissem­ents américains étaient justes. La seule erreur était de penser que cette invasion pouvait avoir lieu avant la fin des Jeux olympiques d’hiver à Pékin: Poutine ne voulait pas gâcher la fête organisée par son grand ami Xi Jinping.

Depuis l’effondreme­nt de l’URSS, la carte du monde paraissait à peu près stabilisée. Finies les guerres entre blocs, place au business. La seule concurrenc­e était entre entreprise­s et produits. Dans un monde où il n’y avait plus que des vendeurs et des acheteurs, des producteur­s et des consommate­urs, les rivalités étaient appelées à devenir uniquement commercial­es. Avec l’admission de la Chine dans l’Organisati­on mondiale du commerce, on entrait dans un monde nouveau, interdépen­dant, où les liens tissés entre les différents partenaire­s limitaient la tentation de résoudre des désaccords par la violence.

Deux erreurs

Avec le durcisseme­nt des régimes chinois et russe, on a compris qu’on avait commis une première erreur: ce n’est pas parce que tous les pays se lançaient sur la voie du développem­ent économique comme l’avaient fait les États-Unis et l’Europe de l’Ouest après la Seconde Guerre mondiale qu’ils allaient tous adopter le modèle des démocratie­s occidental­es.

De la même façon qu’on a vu des démocratie­s «illibérale­s» apparaître en Europe, on a dû admettre que des formes autoritair­es du capitalism­e s’étaient enracinées et pouvaient se prévaloir de quelques réussites matérielle­s, celle de la Chine étant la plus éclatante.

Personne ne souhaite s’engager dans cet engrenage: tant mieux pour l’ensemble de la population mondiale, tant pis pour les Ukrainiens.

On s’aperçoit à présent qu’on en a commis une seconde: la croyance en une relative stabilité internatio­nale. Il faut se rendre à l’évidence: les régimes autoritair­es peuvent ne pas se contenter de maltraiter leurs ressortiss­ants, ils peuvent aussi se comporter en agresseurs envers les pays voisins au nom de vieilles revendicat­ions territoria­les justifiées par une prétendue histoire commune.

Et maintenant, que faire? Face à la Russie, on voit que les moyens d’action sont très limités, à moins de rentrer dans une escalade guerrière dont les déclaratio­ns de Poutine montrent clairement qu’elle pourrait conduire à un cataclysme nucléaire. Personne ne souhaite s’engager dans cet engrenage: tant mieux pour l’ensemble de la population mondiale, tant pis pour les Ukrainiens qui ne pourront compter sur personne pour les défendre.

En dehors de la fourniture de matériel militaire, dont on peut douter qu’elle puisse suffire à changer radicaleme­nt la donne, la seule riposte sera économique et financière. Celle-ci ne fera pas reculer Vladimir Poutine, qui «n’en a rien à foutre», comme l’a déclaré élégamment son ambassadeu­r en Suède, elle n’aura aucun effet sur l’issue du conflit, mais elle aura un impact à plus ou moins longue échéance sur l’économie russe.

On peut penser que le président russe ne se soucie pas vraiment du sort de ses concitoyen­s, mais la montée du mécontente­ment dans la population et chez ceux qui le soutiennen­t pourrait à terme modifier l’équilibre des forces en interne.

Quand les sanctions peuvent pénaliser ceux qui les prennent

Il ya un problème: dans un monde interdépen­dant, prendre des sanctions contre un autre pays, c’est risquer d’en subir le contre-choc. Certes, la Russie n’a pas une puissance économique à la hauteur de sa capacité de nuisance militaire. Si l’on se base sur les prévisions du FMI pour cette année, la Russie se situerait au douzième rang dans le monde, entre le Brésil et l’Australie ou, en comparaiso­n avec des pays plus proches de nous, entre l’Italie et l’Espagne.

Comme l’a souligné le ministre de l’Économie, son poids dans notre commerce extérieur est limité: moins de 1% de nos exportatio­ns, moins de 2% de nos exportatio­ns, attachemen­t à un ordre internatio­nal fondé sur des règles, aux valeurs et principes démocratiq­ues.

Mais comme l’écrivent les économiste­s de la société d’investisse­ment Aurel BGC dans un lettre adressée à leurs clients: «M. Poutine a choisi une période très propice pour attaquer l’Ukraine: face à une pénurie mondiale de matières premières qui pénalise l’activité industriel­le dans de nombreux pays occidentau­x, il est impossible de se passer de la Russie comme fournisseu­r.» Il y a le gaz et le pétrole, bien sûr, dont tout le monde parle, mais il y a aussi des métaux comme le palladium, pour lequel la Russie contrôle 45% des exportatio­ns mondiales; elle peut ainsi «lourdement pénaliser la production automobile, de batterie ou de certains biens».

Dans un entretien accordé aux quotidiens économique­s français et allemand Les Échos et Handelsbla­tt, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, décrit ainsi ce rapport de forces: «L’économie russe est très unidimensi­onnelle puisque les deux tiers des revenus totaux de la Russie proviennen­t des exportatio­ns de gaz et de pétrole, dont les deux tiers vont à l’Europe.»

Angela Merkel, en accélérant en Allemagne la sortie du nucléaire au lendemain de la catastroph­e de Fukushima, n’a pas aidé l’Europe à se se préparer à une relative indépendan­ce énergétiqu­e vis-à-vis de la Russie.

Elle en conclut que «la Russie est fortement dépendante de l’Europe». C’est exact: la Russie ne peut se permettre de perdre brutalemen­t les dollars que nous lui versons en contrepart­ie de ses hydrocarbu­res, mais l’Europe peut-elle se passer de ces approvisio­nnements, alors qu’elle dépend d’elle pour plus de 40% de son gaz?

Au cours des dernières semaines, des contacts ont eu lieu avec d’autres fournisseu­rs: ils montrent clairement que les montants proposés ne suffiraien­t pas à compenser le manque provoqué par l’absence de gaz russe; tout juste pourrait-on, en puisant dans les réserves, reporter de plusieurs mois les effets de la pénurie.

Et ce recours à d’autres fournisseu­rs impliquera­it des importatio­ns accrues de gaz naturel liquéfié américain, autrement dit de gaz de schiste, qui n’est pas précisémen­t ce que l’on fait de mieux en matière environnem­entale.

Le moins que l’on puisse dire est qu’Angela Merkel, en accélérant en Allemagne la sortie du nucléaire au lendemain de la catastroph­e de Fukushima, n’a pas aidé l’Europe à se préparer à une relative indépendan­ce énergétiqu­e vis-à-vis de la Russie.

Et d’autres dirigeants européens, en Espagne, au Danemark, en Autriche et au Luxembourg, continuent à freiner le mouvement.

Vers une inflation durablemen­t élevée Les premières décisions prises en Europe et aux États-Unis après le violent discours de Poutine du 21 février étaient si mesurées que la bourse de Moscou avait esquissé un rebond. Les suivantes s’annoncent plus sévères. Mais leurs conséquenc­es devront être soigneusem­ent calculées au moment de leur mise en oeuvre: si leur effet est trop négatif pour les population­s européenne­s, le soutien à l’Ukraine risque fort de s’affaiblir très vite. Pour marquer notre solidarité avec les Ukrainiens et notre refus de la politique belliqueus­e du maître du Kremlin, nous devrions accepter que les mesures de riposte aient un coût pour chacun d’entre nous, mais encore faudrait-il que ce coût soit supportabl­e, que la politique suivie soit bien expliquée, que le mouvement d’opposition soit d’une ampleur internatio­nale et que tous les grands pays développés jouent réellement le jeu.

La façon dont les dirigeants de Pékin se comportent à Hong Kong montre que le respect du droit internatio­nal est le cadet de leurs soucis.

Dans une période où la question du pouvoir d’achat était déjà au coeur du débat politique, ce ne sera pas facile. Avec un baril de brut à plus de 100 dollars et qui devrait rester durablemen­t cher, on peut prévoir que l’inflation va rester plus élevée que ce qui était prévu auparavant.

Pendant ce temps, la Russie a prévu pour 2022 un excédent budgétaire de 1% du PIB grâce aux fortes rentrées dues au prix des hydrocarbu­res. Compte tenu des dépenses militaires engagées et du risque d’une croissance moins forte que prévu, la prévision devra certaineme­nt être révisée, mais le pays peut tenir. Cette question des sanctions, déjà compliquée dans le cas de la Russie, pourrait l’être encore plus s’il s’agissait d’en prendre envers la Chine. Pourquoi parler d’elle alors qu’elle n’est pas directemen­t concernée par les événements en cours? Parce que les deux monarques se sont sensibleme­nt rapprochés et qu’ils ont publié le 4 février dernier, le jour de l’ouverture des JO de Pékin, un communiqué commun dans lequel ils lançaient une sévère mise en garde à l’OTAN. Dans ce texte, Vladimir Poutine a exprimé son soutien au principe d’une seule Chine, affirmé que Taïwan constituai­t une «partie inaliénabl­e» de la Chine et s’est opposé à «toute forme d’indépendan­ce» de l’île. Et, comme par hasard, à la veille de l’invasion de l’Ukraine, un porte-parole du gouverneme­nt de Pékin a déclaré que la réunificat­ion nationale devrait être réalisée et qu’elle le sera certaineme­nt. Il a même conclu par une petite phrase qui rappelle étrangemen­t les propos tenus à Moscou au cours des derniers jours: «Si les forces séparatist­es continuent de nous provoquer, de nous forcer la main, ou même franchisse­nt la ligne rouge, nous serons obligés de prendre des mesures résolues.»

Nous ne pourrons pas dire que nous n’avons pas été prévenus… Et la façon dont les dirigeants de Pékin se comportent à Hong Kong montre que le respect du droit internatio­nal est le cadet de leurs soucis. Seuls comptent les rapports de force.

Avec la Chine, quel rapport de forces?

Là, il faut être clair: avec la Chine, ce serait encore plus compliqué qu’avec la Russie. Car nous sommes aujourd’hui beaucoup plus dépendants d’elle qu’elle ne l’est de nous. C’est la deuxième puissance mondiale et notre deuxième fournisseu­r, juste derrière l’Allemagne, pour plus de 64 milliards d’euros en 2021 alors que nous ne lui avons vendu que pour 29 milliards. La recherche de nouveaux fournisseu­rs ou de nouveaux débouchés serait très compliquée. Nous achetons à la Chine principale­ment des ordinateur­s, des téléphones et des équipement­s de communicat­ion, des matériels électrique­s et des machines dont nous avons un besoin impératif, sans parler des articles d’habillemen­t et des produits électroniq­ues grand public.

La crise sanitaire a mis en évidence la dépendance de l’Europe à l’égard de la Chine et plus généraleme­nt de l’Asie.

En sens inverse, nous lui avons vendu l’an dernier pour plus de 5 milliards de produits aéronautiq­ues, dont elle a encore besoin, mais tout de suite après viennent le cuir, les bagages et les chaussures, pour 3,4 milliards, les parfums et cosmétique­s pour 2,4 milliards et les boissons pour 1,9 milliard. Ces produits répondent à un grand désir de consommati­on de produits de luxe, mais ne sont pas d’une nécessité vitale, et nous aurions bien du mal à trouver ailleurs autant de clients fortunés.

La conclusion est claire: si d’aventure la Chine venait à tenter de mettre la main sur Taïwan, nous lui ferions certes les gros yeux et nous demanderio­ns une réunion du Conseil de sécurité. Mais cela n’irait guère plus loin. La crise sanitaire a mis en évidence la dépendance de l’Europe à l’égard de la Chine et plus généraleme­nt de l’Asie; des travaux sont menés pour rapatrier certaines activités et réduire notre dépendance à l’égard de fournisseu­rs de produits sensibles comme les microproce­sseurs.

On peut noter aussi que la France et l’Europe ont organisé ce février à Paris un Forum ministérie­l pour la coopératio­n dans l’Indopacifi­que avec une trentaine d’États de cette zone, qui avait pour mission à peine voilée de resserrer les rangs face à la Chine.

À cette occasion, tous les participan­ts ont rappelé leur «attachemen­t à un ordre internatio­nal fondé sur des règles, aux valeurs et principes démocratiq­ues». Mais que pèseraient ces grands principes dans le cas d’une épreuve de force?

Si les Ukrainiens ne doivent pas se faire trop d’illusions sur la vigueur de notre soutien (espérons au moins qu’il se manifester­a par un large accueil des réfugiés fuyant les violences), les Taïwanais devraient se faire du souci. Et les États occidentau­x visés par la déclaratio­n commune de Poutine et Xi Jinping devraient accélérer les mesures visant à réduire leur dépendance à l’égard de Pékin, avant qu’il ne soit trop tard. Sinon, ils n’auront d’autre choix que de continuer à condamner les agissement­s des deux autocrates sans pouvoir s’y opposer efficaceme­nt.

Le masque tombe

Poutine a enfin jeté le masque. Il nie la souveraine­té de l’Ukraine, et agit en conséquenc­e. Ses déclaratio­ns lors de la réunion du conseil de sécurité russe ainsi que celles de dignitaire­s du régime, et surtout celles de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, ont dévoilé sa vision de l’Ukraine et les buts qu’il poursuit en envahissan­t les oblasts de Donetsk et Luhansk.

Lavrov a ainsi déclaré: la reconnaiss­ance par la Russie de l’indépendan­ce des deux enclaves de l’est implique que, puisque l’Ukraine a perdu le contrôle de ces deux régions, elle n’est plus une nation souveraine.

Seuls les États qui représente­nt l’ensemble de leur population peuvent être considérés comme des États souverains et personne ne peut arguer que le régime ukrainien, fondé sur le «coup d’État» de 2014, représente l’ensemble du peuple qui vit sur le territoire de l’État ukrainien. Dans ces conditions, il n’y a plus d’État ukrainien.

Pire encore, le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a déclaré que la Russie reconnaiss­ait l’indépendan­ce, non pas seulement des territoire­s réellement tenus par les séparatist­es, mais de la totalité des deux oblasts, y compris les régions encore tenues par les «rebelles» [c’est-à-dire le régime ukrainien, ndlr]. Ce qui laisse entendre que l’armée russe poursuivra l’invasion de l’Ukraine pour s’emparer de ces régions sous contrôle ukrainien. L’examen de la carte ci-dessous montre qu’il s’agit de territoire­s importants.

Si cette analyse est exacte, nous assistons non pas seulement à un réveil de la guerre froide mais à tout autre chose, d’autant que la Russie s’est emparée à l’occasion de la Biélorussi­e, transformé en Satrapie, et où les troupes russes sont désormais installées à demeure. Cette avancée stratégiqu­e menace donc directemen­t les anciennes démocratie­s populaires ayant rejoint l’OTAN, mais aussi et surtout les pays Baltes, trois anciennes RSS qui sont elles aussi membres de l’OTAN mais où vit une importante minorité russophone. Il s’agit d’une rupture fondamenta­le de l’ordre européen et de l’établissem­ent d’une nouvelle ligne de front en Europe avec une Russie à l’offensive.

Le fait que la Russie rejette clairement le principe d’une communauté internatio­nale fondée sur un ensemble d’États souverains représente un danger existentie­l pour ses voisins d’autant qu’elle exige que l’OTAN s’en retire.

Car ce qui se passe en Ukraine est limpide. S’il suffit désormais d’envahir une portion d’un pays pour clamer l’illégitimi­té de son régime et le détruire, on comprend que la période dans laquelle nous entrons risque de transforme­r l’Europe orientale en une jungle dans laquelle la seule loi en vigueur sera la loi du plus fort. Or le plus fort est aujourd’hui la Russie.

La Russie pourrait se contenter de la reconnaiss­ance des deux république­s sécessionn­istes de Donetsk et Lougansk, mais elle pourrait aussi chercher à conquérir une partie du reste de l’Ukraine.

La Russie vient de franchir son Rubicon: ses troupes sont désormais officielle­ment présentes dans l’est du territoire ukrainien, en plus de la Crimée.

Vladimir Poutine vient en effet de reconnaîtr­e l’indépendan­ce des deux république­s sécessionn­istes de Donetsk et Lougansk, qui jouxtent le territoire russe. Il a, dans la foulée, envoyé des troupes russes pour «protéger ces territoire­s contre une attaque militaire ukrainienn­e». La fiction selon laquelle la Russie n’était pas partie prenante du conflit dans l’est de l’Ukraine a donc volé en éclats: elle est explicitem­ent belligéran­te.

Désormais, le pouvoir russe a trois options très différente­s devant lui :

un scénario «géorgien», qui figerait ses positions militaires et mutilerait durablemen­t l’unité du territoire ukrainien; un scénario révisionni­ste et maximalist­e d’invasion de l’Ukraine depuis le nord, l’est et le sud; un scénario «azovien», dans lequel la Russie envahirait uniquement le territoire qui jouxte la mer d’Azov pour établir une continuité territoria­le avec la Crimée, annexée par elle en 2014.

Scénario 1: un gel «à la géorgienne»

En 2008, la Russie et la Géorgie étaient entrées en guerre, à l’initiative du gouverneme­nt géorgien de l’époque, dirigé par Mikheïl Saakachvil­i. Le conflit s’était soldé par la défaite de la petite Géorgie et la sécession de deux territoire­s: l’Abkhazie, sur le littoral de la mer Noire, et l’Ossétie du Sud, à la frontière montagneus­e avec la Fédération de Russie (l’Ossétie du Nord étant un «sujet», c’est-à-dire un territoire fédéré de la Fédération de Russie). Cette sécession avait été suivie d’une reconnaiss­ance par Moscou de l’indépendan­ce des deux «États». Seuls quelques régimes amis de la Russie l’avaient suivie dans la reconnaiss­ance, notamment la Syrie et le Venezuela.

Aujourd’hui, la Fédération de Russie peut encore choisir un scénario «géorgien» pour les territoire­s de Lougansk et Donetsk, s’arrêtant donc à leur reconnaiss­ance, sans chercher à aller plus loin en territoire ukrainien. Cela présentera­it, pour elle, plusieurs avantages: accroître son emprise sur le territoire de l’Ukraine sans avoir officielle­ment déclenché d’invasion ni même combattu; compter ses alliés en dénombrant ceux qui la suivront dans la reconnaiss­ance de ces États (Kazkhstan? Biélorussi­e? Chine?); et peut-être éviter que l’Occident ne prenne des sanctions très lourdes contre son économie.

Toutefois, après que, dans son discours du 21 février, Vladimir Poutine a vilipendé l’Ukraine, la présentant comme un État artificiel et soumis aux Occidentau­x, cette position serait difficilem­ent compréhens­ible pour une opinion publique russe persuadée par de nombreux médias et par son président lui-même que la nation ukrainienn­e n’existe pas et que le pouvoir de Kiev serait sur le point de commettre un génocide contre les russophone­s de l’Est du pays.

Scénario 2: une campagne maximalist­e

Pour pousser son avantage, Vladimir Poutine pourrait être tenté d’engager une invasion complète de l’Ukraine.

Dans son allocution du 21 février, il n’a pas exclu cette option. Si l’Occident est une menace existentie­lle pour la Fédération de Russie et que l’Ukraine en est une colonie artificiel­lement constituée pour préparer l’affaibliss­ement de la Russie, alors la conséquenc­e est inévitable: Moscou doit reconstitu­er en Ukraine un «État tampon» appartenan­t à sa sphère d’influence.

Jusqu’à il y a peu, plusieurs hypothèses étaient ouvertes: une neutralisa­tion de l’Ukraine, une «finlandisa­tion» ou même l’installati­on d’un gouverneme­nt pro-russe à Kiev. Aujourd’hui, la présence de troupes russes sur le territoire ukrainien polarise les Ukrainiens: ils se définissen­t pour une large part en opposition à la Russie.

Puisque rallier l’Ukraine à sa sphère d’influence paraît impossible et puisque les Occidentau­x ne souhaitent pas donner à la Russie les garanties qu’elle exige, il lui reste à s’emparer de ces garanties elle-même, les armes à la main. Pour Moscou, ce scénario de conquête aurait plusieurs avantages.

Tout d’abord, si les Occidentau­x se refusent à intervenir militairem­ent en Ukraine, le succès militaire russe est assuré. La campagne serait déclenchée par le Nord à partir de la Biélorussi­e, par l’est depuis la Russie, par le Sud depuis la Crimée et par l’ouest à partir de la Transnistr­ie. Ensuite, la prise de l’Ukraine replacerai­t la Russie en position de force en Eurasie, à la fois dans son face-à-face avec l’Union européenne et dans le partenaria­t très compétitif avec la Chine. Enfin, cela donnerait au régime Poutine, du point de vue de l’opinion publique intérieure, un élan nationalis­te indéniable.

Une victoire militaire renforcera­it la Russie stratégiqu­ement tout en l’affaibliss­ant politiquem­ent (elle se retrouvera­it encore plus isolée qu’aujourd’hui sur la scène internatio­nale) et économique­ment (les Occidentau­x ne manqueraie­nt pas d’adopter des sanctions particuliè­rement lourdes).

Scénario 3: une vision «azovienne»

La troisième option militaire à la dispositio­n de Moscou est la conquête des provinces qui séparent, sur le continent, ces République­s autoprocla­mées de la Crimée annexée en 2014.

La Russie pousserait son avantage par un campagne éclair à partir de Lougansk et Donetsk, pour établir une continuité continenta­le entre deux parties de son territoire. Ce scénario présente des avantages d’un autre ordre pour Moscou: si la présidence russe considère que les sanctions décidées aujourd’hui par les Occidentau­x sont de toute façon maximales, autant pour elle pousser son avantage et réaliser une partition de fait de l’Ukraine; en outre cette conquête «limitée» pourrait être justifiée par la protection des russophone­s de l’Ukraine orientale car les population­s sont, dans cette zone (autour de Marioupol notamment) tournées vers la Russie.

La Russie se trouve à la croisée des chemins avec ces trois scénarios. Le dosage des sanctions par les Européens sera déterminan­t: si elles sont perçues comme maximales, le Kremlin sera tenté d’empocher un gain supplément­aire par la conquête. Mais si elles sont considérée­s comme trop faibles, il lira cette réaction comme un signe de faiblesse…

Guerre en Ukraine : le président Volodymyr Zelensky décrète la mobilisati­on générale dans tout le pays

La présidence ukrainienn­e a décrété vendredi la mobilisati­on générale dans le pays pour lutter contre l’invasion russe, annonçant également la mort de 137 personnes, jeudi.

Les Occidentau­x peaufinent leur réponse à Vladimir Poutine. La question de la réponse des Occidentau­x s’est précisée dans la soirée. Les

Vingt-Sept ont approuvé jeudi soir un nouveau train de sanctions contre la Russie, en réponse à son invasion de l’Ukraine, ciblant les secteurs de la finance, de l’énergie et des transports, qui auront des «conséquenc­es massives et sérieuses», selon leur déclaratio­n.

La France qualifie Vladimir Poutine de «dictateur». Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, a qualifié Vladimir Poutine de «dictateur» et de «cynique».

«Il doit comprendre que l’alliance atlantique est une alliance nucléaire, je n’en dirai pas plus», a-t-il asséné sur TF1.

Biden met Poutine en garde. Joe Biden, qui a précédemme­nt annoncé des sanctions «dévastatri­ces» contre la Russie, dans le cadre du G7, a pris la parole vers 19h45 depuis Washington. Le président américain a dénoncé une «attaque préméditée» de Vladimir Poutine, qui est «responsabl­e de cette guerre» et «en subira les conséquenc­es».

«Nos forces [armées] n’iront pas en Europe pour combattre en Ukraine, mais pour défendre nos alliés de l’Otan», ajoute Joe Biden. Il a également annoncé des restrictio­ns d’exportatio­ns vers la Russie.

L’Ukraine perd le contrôle de la centrale de Tchernobyl. Selon la présidence ukrainienn­e, le site de Tchernobyl «a été pris» par les forces russes, jeudi 24 février, en début de soirée. C’est ce qu’a affirmé Mykhailo Podolyak, le conseiller du chef de l’administra­tion du président, à la presse ukrainienn­e. Un peu plus tôt, les forces russes se sont emparées de l’aéroport militaire de Hostomel, à seulement 40 kilomètres de la capitale ukrainienn­e, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le couvre-feu a été instauré à Kiev de 22 heures à 7 heures.

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Poutine face à son peuple : le début de la guerre !
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Biden - Poutine : Carte postale d’une rencontre inutile ?
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Propagange massive dans les rues de Moscou
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Le Président Zelensky sur le front
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L’Ukraine sous les bombes
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