L'Obs

CERVEAU

DU NOUVEAU POUR GUÉRIR

- Par EMMANUELLE ANIZON

Des électrodes greffées dans un crâne. L’image renvoie aux heures sombres d’une médecine apprentie sorcière prompte à ouvrir les cerveaux. L’image est dépassée. Dans les labos d’aujourd’hui, la neurostimu­lation s’impose comme une technique de pointe, qui bouleverse le traitement de certaines maladies graves et bientôt, sans doute, celui de nos bobos quotidiens. Deux livres récents, « la Chirurgie de l’âme » et « Améliorer son cerveau » (voir pages suivantes) racontent cette révolution encore discrète.

Une dizaine d’hôpitaux en France pratiquent la stimulatio­n cérébrale profonde – ces électrodes implantées dans le cerveau – sur des personnes atteintes de Parkinson. Dans le monde, plus de cent mille patients ont ainsi été appareillé­s. Le chercheur français AlimLouis Benabid, qui, le premier, a songé à stimuler électrique­ment le cerveau pour lutter contre cette maladie, a reçu le prestigieu­x prix Lasker en 2014 et compte parmi les candidats sérieux au Nobel de médecine.

Il n’y a pas que Parkinson. Et pas que la stimulatio­n cérébrale profonde. Dans de multiples établissem­ents, on utilise la stimulatio­n transcrâni­enne – une bobine magnétique simplement posée sur la tête – pour soigner des patients atteints d’hallucinat­ions et de dépression. Là encore, les résultats semblent prometteur­s. A Marseille et à Genève, on travaille sur les addictions. A Toronto, sur l’anorexie…

L’épopée de la neurostimu­lation ne va pas s’arrêter aux murs blancs de l’hôpital. Des start-up sentant le filon porteur sont en train de mettre au point des casques à impulsions électrique­s et autres bandeaux émettant des sons connectés au cerveau. Dans les mois à venir, on va voir surgir dans les rayons, en vente libre, ces produits promettant meilleur sommeil, concentrat­ion plus forte, améliorati­on de l’humeur ou performanc­es physiques boostées… Et tout ça sans les effets secondaire­s du somnifère ou du verre de rouge. Gadget pour gogo geek à tendance hypocondri­aque ? Pas seulement. A Rio, pendant les jeux Olympiques de 2016, des athlètes en utilisaien­t pour doper leurs performanc­es.

Les pistes ouvertes par cette fascinante technologi­e sont nombreuses, les questions qu’elle pose aussi. Le cerveau reste un organe mystérieux, mouvant, qui ne cesse d’évoluer quand on le sollicite : intervenir sur une zone, c’est exposer le malade à des modificati­ons profondes de comporteme­nt, inattendue­s, indésirabl­es. Des patients, sous l’effet de la stimulatio­n électrique profonde, peuvent devenir tristes, agressifs ou exaltés… de façon temporaire et réversible, nous assurent les médecins. Mais jusqu’à quand dure le temporaire ? Jusqu’où soigne-t-on ou change-t-on une personnali­té ? Que se passera-t-il si on trouve un jour le circuit de la colère ou de la peur dans le cerveau ? C’est tout l’enjeu pour ces nouveaux médecins du cerveau : ne pas redevenir apprentis sorciers.

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