L'Obs

Michalik en prison

INTRA MUROS, D’ALEXIS MICHALIK. JUSQU’AU 16 AVRIL, THÉÂTRE 13/JARDIN, PARIS-13E, RENS. : 01-45-88-62-22.

- JACQUES NERSON

Par un curieux hasard, deux créations ont pris cette saison le même point de départ : un stage de théâtre en prison. La comparaiso­n s’arrête là. Avec « Acting », Xavier Durringer, dramaturge de grand talent, avait malheureus­ement raté son coup. La relation que l’acteur (Niels Arestrup) nouait avec le prisonnier (Kad Merad) sonnait faux. Durringer, qui a pourtant consacré plusieurs films aux us et coutumes du milieu, semblait ne s’intéresser qu’à l’acteur. Et plus celui-ci pontifiait et dissertait sur les sortilèges du théâtre, moins la magie opérait. Avec Alexis Michalik, c’est l’inverse. Ce qui se passe entre l’animateur du stage (Paul Jeanson), son ex restée sa partenaire (Jeanne Arenes, ci-dessus), l’assistante sociale (Alice de Lencquesai­ng) et les deux détenus (Bernard Blancan et Fayçal Safi, ci-dessus) n’est pourtant pas plus crédible. Il est invraisemb­lable que ces « mâles méchants », dont Jean Genet dit que les centrales sont gonflées et « noires comme d’un sang chargé de gaz carbonique », se débondent en un clin d’oeil lors de leur tout premier exercice d’improvisat­ion. Invraisemb­lable, oui, mais pas incroyable puisqu’on mord à l’hameçon et qu’on y reste accroché. Chacune des trois précédente­s pièces de Michalik (« le Porteur d’histoire », « le Cercle des illusionni­stes », « Edmond ») a remporté un véritable triomphe. Pareil sort attend « Intra muros ». D’autant qu’il y revient à sa méthode initiale : il n’a pas écrit « assis » à une table mais « debout », au fur et à mesure des répétition­s, à partir des dialogues inventés par ses acteurs. La pièce est publiée (Ed. Les Cygnes, 100 p., 10 euros), mais on conseille de ne pas la lire. C’est un matériau destiné à son usage personnel. Le profane se retrouvera avec une poignée de sable coulant dans la main. Michalik a reçu en partage un prodigieux don de raconteur. Certains écrivent avec plus de recherche, mais peu disposent d’une telle force de suggestion. Comme le joueur de flûte de Hamelin, il hypnotise le public pour l’entraîner sur ses pas. Pourquoi résister quand ce n’est pas au fond de l’eau mais au septième ciel qu’il vous projette ?

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