2017, ANNÉE CHARNIÈRE
A l’issue d’une année 2016 record en termes de ventes, le marché immobilier maintient un cap favorable. Après l’élection présidentielle, les orientations à venir pour le logement pourraient enrayer la dynamique retrouvée, dans un contexte de remontée prog
Les périodes électorales sont généralement marquées par un certain attentisme. L’immobilier n’échappe pas à la règle : d’après une étude du Crédit foncier, portant sur les sept dernières élections présidentielles, le marché accusait presque toujours une baisse d’activité de 3,8% en moyenne les années de scrutin. Mais, pour 2017, les experts sont résolument optimistes: cette année devrait être celle de l’exception à la règle. Taux d’intérêt historiquement bas, prix encore sages, mesures gouvernementales de soutien à l’achat et à l’investissement locatif toujours en vigueur… « Toutes les planètes sont parfaitement alignées », estime Philippe Jossé, directeur général de Cogedim. D’autant qu’en janvier le moral des ménages a retrouvé son plus haut niveau depuis dix ans, selon l’Insee. De quoi permettre au marché de continuer dans la lignée de 2016, une année record pour l’immobilier ancien, avec 848 000 transactions (qui dépasse le dernier résultat le plus haut, enregistré en mai 2006 : 837 000 transactions), selon les chiffres publiés par les Notaires de France. Même embellie sur le marché du neuf : les réservations
de logements auprès des promoteurs ont bondi de 21% en 2016, atteignant 148 600 unités. « Les investisseurs se sont véritablement approprié le dispositif d’investissement locatif défiscalisant Pinel, et les primo-accédants, le prêt à taux zéro, qui permet de financer sans intérêt jusqu’à 40% du prix du bien, ainsi que la TVA à 5,5% dans les zones Anru », estime Alexandra FrançoisCuxac, présidente de la Fédération des Promoteurs immobiliers (FPI). Les constructeurs de maisons individuelles sont à l’unisson : « Avec une augmentation de 19,5%, soit 133600 nouvelles unités, les ventes ont dépassé nos espérances », confirme Patrick Vandromme, président des Constructeurs Aménageurs de la Fédération française du Bâtiment (LCA-FFB). Le moteur de ce processus? La baisse continue, tout au long de l’année 2016, des taux de crédit immobilier. Hors assurance et toutes durées d’emprunt confondues, le taux moyen est passé de 2,13% en janvier à 1,34% en décembre, selon les données de l’observatoire Crédit Logement/CSA. Du jamais-vu! « Les emprunteurs présentant les meilleurs profils – aux revenus et à l’apport élevés – ont décroché des taux de 0,7% sur 15 ans et de 0,9 % sur 20 ans ! », indique Sandrine Allonier, responsable des relations banques du courtier Vousfinancer.com. La resolvabilisation des ménages modestes, qui se sont rués sur le prêt à taux zéro, surtout dans le neuf, a donc accru la demande. Résultat, les promoteurs ont relancé la commercialisation de leurs programmes de logements et les stocks de biens disponibles se sont réduits. « La solvabilité des primoaccédants est un facteur essentiel à l’équilibre du marché », souligne Christian Rolloy, PDG du groupe Promogim. Dans l’ancien, les vendeurs raisonnables ont vu les délais de transaction baisser, eux aussi. Surtout, c’est le recul historique des taux qui a permis à de nombreux jeunes ménages capables de satisfaire les exigences des banques
de bénéficier d’excellentes conditions d’achat et de se lancer dans leur première acquisition. En 2016, ils ont représenté plus d’un tiers des acquéreurs de logement ayant recouru à un emprunt, selon le courtier Meilleurtaux.com. Mais déjà, cette manne conjoncturelle si favorable à la pierre s’est quelque peu tarie. Depuis trois mois, les taux d’intérêt, reflétant la variation de l’obligation assimilable du Trésor (OAT), leur indice de référence, sont remontés à 1,49% en février selon l’observatoire Crédit Logement/CSA… «Ils pourraient atteindre 2% en juin», estime Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi. Du coup, « les acheteurs ont le sentiment qu’il faut rapidement se décider avant que les taux ne remontent vraiment alors que les prix sont déjà en train de grimper », analyse Sébastien de Lafond, président de MeilleursAgents.com. Car, dans les grandes agglomérations, des tensions sont apparues sur les prix. Dans l’ancien, ceux-ci ont augmenté en moyenne dans toute la France de 1,7 % sur les trois derniers mois et de 3,1 % sur un an à la fin de février, selon l’observatoire LPI-SeLoger, avec un prix moyen de 2 522 €/m2. Ils ont enregistré en un an de fortes hausses dans la plupart des villes de plus de 100000 habitants: +9% à Bordeaux, au Mans, à Metz et à Nîmes, +5% à Lyon, Nantes, Nice et Strasbourg. Dans le neuf, ils ont augmenté de 2,5%, à 4 055 €/m² en moyenne nationale. Toutefois, il n’y a pas encore de surchauffe ou de quelconque risque de bulle ; ne se vendent aujourd’hui que les biens de qualité (construction, aménagement…), en zone urbaine, proches des transports, des écoles et des commerces. La hausse des prix ne concerne pas encore les zones rurales. Dans ce contexte encore positif – la dynamique générée par la faiblesse des taux devrait durer encore quelques mois –, le résultat de l’élection présidentielle ne sera pas anodin. Si notamment le prêt à taux zéro et le dispositif Pinel sont maintenus jusqu’à la fin de l’année, reste à savoir quelles seront les mesures applicables en 2018. Tout d’abord, pour leur impact immédiat sur les projets immobiliers : par exemple, la mise en vente ou non d’un bien en cas de variation annoncée de la fiscalité ou l’accélération d’une acquisition pour bénéficier d’un financement optimal. La baisse envisagée de la taxation sur les plus-values et la suppression de l’ISF plaidées par François Fillon n’auront certainement pas les mêmes effets que la mise en place de la taxe sur les hautes transactions financières voulue par Jean-Luc Mélenchon ou la contribution de solidarité urbaine prônée par Benoît Hamon. Ensuite, « les conditions macroéconomiques sont encore médiocres : croissance faible, taux de chômage élevé, incertitudes internationales telles que le Brexit », ajoute Sébastien de Lafond. Enfin, certaines questions structurelles, surtout liées à la production de nouveaux logements, nécessaire pour répondre à l’accroissement démographique des ménages, demeurent en suspens. Parmi elles, celles de rendre le foncier plus disponible et d’octroyer plus rapidement des permis de construire. « Il faut mettre en place une véritable politique de l’offre, une stabilité en matière fiscale et réglementaire, simplifier les procédures et les normes de construction et mobiliser l’épargne privée pour le logement », préconise François Bertière, PDG de Bouygues Immobilier. Les contraintes administratives, normatives et réglementaires, pèsent sur les entreprises et, par ricochet, sur les ménages. Les promoteurs souhaitent que soit évitée la surenchère sur le prix du foncier. « Il faut tout faire pour que les prix du neuf n’augmentent pas », estime Nordine Hachemi, PDG de Kaufman & Broad. Des thèmes qui ne sont que très peu abordés dans les programmes des candidats. Même s’il en faut davantage pour entamer la confiance retrouvée des Français dans la pierre.