FISCALITÉ, LOCATION… DES PROPOSITIONS TRÈS ATTENDUES
Sans surprise, les représentants des partis de droite veulent alléger les taxes et assouplir les rapports locatifs quand ceux de gauche proposent l’inverse. Mais à l’intérieur de ce statu quo émergent de nouvelles idées
C’est en février 2015, bien longtemps avant de savoir qu’il remporterait la primaire de la droite, que François Fillon avait dévoilé la première mouture de son programme pour le logement. L’une des mesures avait particulièrement retenu l’attention des commentateurs: le candidat indiquait vouloir revenir sur la taxation des plus-values immobilières, ramenant le délai d’exonération à 15 ans de détention, aussi bien pour l’imposition sur le revenu que pour les prélèvements sociaux. Or, c’est lui qui, alors Premier ministre en 2012, avait fortement augmenté cet impôt, donnant ainsi un coup de frein brutal aux transactions des résidences secondaires et, dans une moindre mesure, des investissements locatifs. Pour le candidat, pas question de se dédire : «Il s’agissait alors d’une situation exceptionnelle, avait-il justifié. Ce dispositif avait été décidé juste après la crise sans précédent des dettes souveraines de l’été 2011, mais il n’a plus lieu d’être aujourd’hui. » La promesse pourrait séduire les ménages, après cinq ans de fiscalité en hausse: selon l’Observatoire français des Conjonctures économiques, les contribuables ont supporté un alourdissement des prélèvements obligatoires de 35 milliards d’euros entre 2011 et 2016.
Fiscalité cruciale
La mesure la plus emblématique en matière de fiscalité reste toutefois la position des candidats sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). C’est un des rares points communs entre Marine Le Pen, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon: pas de suppression de l’ISF. Les candidats de gauche envisagent même un durcissement de la fiscalité immobilière. Côté Hamon, on réfléchit à la création d’une « contribution de solidarité urbaine » progressive. Assise sur les transactions de logements dépassant 10 000 ou 12 000 €/m2, « des situations exceptionnelles» par rapport à l’ensemble des prix du marché,
cette contribution aiderait à « lutter contre l’éviction des classes moyennes, qui travaillent notamment dans les services publics» des quartiers les plus chers de France, selon Daniel Goldberg, député socialiste de Seine-Saint-Denis. Côté Mélenchon, outre un durcissement de l’ISF, serait instaurée une nouvelle taxe sur les «hautes transactions immobilières», dont le montant est supérieur à 1 million d’euros : « Le taux sera progressif, à 1 % pour 1 million d’euros et jusqu’à 10% au-dessus de 10 millions d’euros », précise Antoine SallesPapou, de la Confédération nationale du Logement. Si François Fillon veut supprimer l’ISF, Emmanuel Macron veut, pour sa part, le remplacer par un « impôt sur la fortune immobilière» (IFI), soit une exonération de taxe de toutes les autres valeurs mobilières (titres, parts, actions…). « Les biens immobiliers resteront assujettis aux mêmes conditions. Ainsi, l’IFI ne visera pas plus que l’ISF les petits propriétaires et autres bailleurs privés, qui ne sont pas assujettis à l’ISF pour l’immense majorité d’entre eux», indique son entourage. Le candidat d’En marche ! veut en outre exonérer, d’ici à 2020, 80 % des Français de la taxe d’habitation. L’Etat, à hauteur de 10 milliards d’euros chaque année, paiera aux collectivités locales la taxe d’habitation en lieu et place des ménages. Marine Le Pen veut « geler » la taxe d’habitation et la baisser pour les ménages modestes. Pour rappel, selon les données publiées par l’Observatoire des Finances locales SFL-Forum pour la gestion des villes, le montant de collecte de la taxe d’habitation est passé de 19,525 milliards d’euros en 2012 à 21,679 milliards d’euros en 2015. Celui de la taxe foncière est passé de 27,357 milliards d’euros en 2012 à 30,429 milliards d’euros en 2015. La réforme des impôts locaux est soutenue par les professionnels. Ainsi, JeanFrançois Buet, président de la Fédération national de l’Immobilier, relève: «Les collectivités locales arguent de la baisse des dotations de l’Etat pour augmenter les impôts locaux. Mais elles ne font pas d’efforts suffisants pour contenir leurs dépenses. » La taxe foncière pèse directement sur les investissements locatifs : «Elle représente entre un et trois mois de loyer pour un bailleur. De quoi plomber significativement le rendement de l’investissement locatif », insiste Jean Perrin, président de l’Union nationale de la Propriété immobilière.
Changer les rapports locatifs
L’autre point d’achoppement est la mesure phare du quinquennat: l’encadrement des loyers issu de la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme rénové (Alur) du 24 mars 2014, appliqué à Paris depuis le 1er août 2015 et à Lille depuis le 1er mars de cette année. Il doit être déployé en 2018 dans 412 communes d’Ile-de-France. Ou pas. Tout dépendra du résultat des élections. François Fillon veut supprimer le dispositif, tandis que Jean-Luc Mélenchon veut l’étendre à tout le territoire, en le renforçant avec une décote supplémentaire des loyers médians de 20% dans les zones très tendues. Benoît Hamon est également partisan de sa mise en oeuvre dans certaines agglomérations, tandis qu’Emmanuel Macron suspend son déploiement le temps de procéder à son évaluation. Plus largement, selon les professionnels de l’immobilier, c’est l’ensemble des rapports locatifs qui sont à reconsidérer: «Il faut réorienter la dépense publique pour développer une offre d’accession ou locative, privée et sociale, à loyer maîtrisé, pour rendre plus fluide l’accès au logement. Il faut sortir de la vision caricaturale du bailleur privé car il est un complément indispensable au bailleur social», estime François Davy, président de Foncia et viceprésident de Plurience, association des professionnels de la gestion locative. Pour ce faire, est envisagée la création d’un statut du bailleur privé basé sur un dispositif d’amortissement, une mesure évoquée par François Fillon.
Favoriser la construction
Le dynamisme retrouvé de la construction de logements (voir encadré) ne devrait pas être remis en question après la présidentielle. Toutefois, des nuances sont à apporter: Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon sont favorables à la production de logements sociaux, François Fillon et Marine Le Pen optent pour une simplification globale des normes, notamment en matière d’urbanisme. La répartition des aides à la pierre est désormais davantage pensée de manière locale, avec une différenciation selon les territoires et leurs besoins. « C’est un principe de réalité, mais encore faut-il que les collectivités locales aient les moyens de mettre en oeuvre de telles orientations, estime Alain Dinin, président du groupe Nexity. Il faut avant tout un grand ministère du Logement qui regroupe aussi l’urbanisme, l’aménagement, les transports et l’écologie, car il faut penser le logement dans son urbanité. » Les candidats vont donc devoir peaufiner leurs projets.