L'Obs

Solidarité Urgence pour les migrants

Le chef de l’Etat a affirmé qu’accueillir les migrants était “le devoir et l’honneur” de la France. Mais son ministre de l’Intérieur a parlé de “kystes” et l’administra­tion multiplie les pratiques humiliante­s. Les associatio­ns dénoncent ce retour à la log

- Par SEPT RESPONSABL­ES D’ASSOCIATIO­NS DE SOUTIEN AUX MIGRANTS*

Comment ne pas s’inquiéter des signaux envoyés par le président de la République et son ministre de l’Intérieur sur l’accueil des personnes réfugiées et des migrantes ? Quelle politique voit-on se dessiner quand, à quelques heures d’intervalle, le président Emmanuel Macron à Bruxelles réaffirme « le devoir et l’honneur » de la France d’accueillir les exilés, tandis qu’à Calais le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb demande aux associatio­ns qui agissent sur le terrain d’« aller déployer leur savoir-faire ailleurs » et compare les exilés présents dans la région à des « abcès de fixation » et des « kystes » ?

Le premier de ces signaux a été de confier, une fois de plus, la politique migratoire au seul ministère de l’Intérieur, privilégia­nt une vision sécuritair­e de la question. Ce choix réitéré d’une concentrat­ion des prérogativ­es au détriment d’une approche interminis­térielle accrédite la perception selon laquelle l’immigratio­n représente­rait un problème ou une menace.

Sur le terrain, nous déplorons des atteintes alarmantes aux droits les plus élémentair­es des personnes migrantes. Ces violations prennent une ampleur inédite, en particulie­r dans le Calaisis et le Dunkerquoi­s, à la frontière italienne, ou dans le nord de Paris. Traque permanente, gazage, confiscati­on de biens, entraves diverses pour l’accès à l’eau, à la nourriture ou aux soins, privations illégales de liberté, refoulemen­ts illégaux… et répression inacceptab­le des citoyens solidaires. Pour ne prendre que l’exemple du Calaisis, il aura fallu que onze associatio­ns déposent un recours devant la justice pour qu’enfin soient reconnus les droits des exilés traqués par les forces de police et contraints de survivre dans des conditions dégradante­s. Le tribunal de Lille a fait le minimum en enjoignant l’Etat de permettre à ces personnes d’accéder aux distributi­ons d’eau et de nourriture organisées par les associatio­ns et à des sanitaires. Nous exercerons la plus grande vigilance pour nous assurer que les pouvoirs publics respectent cette décision de justice. Et nous poursuivro­ns nos exigences d’une coopératio­n plus efficace avec la Royaume-Uni pour que cette région cesse d’être une impasse pour les exilés souhaitant se rendre dans ce pays.

Autre signe négatif envoyé par le nouveau gouverneme­nt : la volonté d’expulser des personnes originaire­s de pays en guerre, comme l’Afghanista­n. Et l’enfermemen­t en rétention de familles avec enfants, alors même que la France a déjà été condamnée à cinq reprises par la Cour européenne des Droits de l’Homme pour ces pratiques jugées dégradante­s. Nous avons entendu les propos du président de la République, affirmant pendant la campagne : « L’immigratio­n ne devrait pas inquiéter la population française […]. Elle se révèle une chance d’un point de vue économique, culturel, social. » Si ces mots ont un sens, ils doivent se traduire par le respect du droit et des orientatio­ns politiques mettant fin à des pratiques policières et administra­tives qui humilient et insultent la dignité de dizaines de milliers de personnes réfugiées et migrantes, et qui ternissent l’image de notre pays.

Nous réclamons en urgence du président de la République une véritable concertati­on incluant pleinement les acteurs de la solidarité, des orientatio­ns claires, des mesures et des moyens nouveaux pour une politique migratoire d’hospitalit­é, fondée sur le respect de la dignité et des droits fondamenta­ux des personnes étrangères, à la hauteur des enjeux qui se posent à la France et à l’Europe aujourd’hui. Au moment où le président comme son gouverneme­nt promettent de s’appuyer sur les forces de la société civile pour apporter des réponses porteuses de changement, l’attente de sens et de cohérence est très forte. Il y a urgence à ne pas la décevoir.

Des actes d’humanité, de justice et de droit sont attendus maintenant. Ils sont attendus par les personnes réfugiées et migrantes qui font partie de cette France plurielle qui s’invente à chaque génération. Ils sont attendus par les citoyens qui s’engagent dans la constructi­on d’une société plus solidaire qui n’oppose pas les uns aux autres.

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Distributi­on de repas aux réfugiés à Calais en mars 2017.

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