L'Obs

L’humeur de Jérôme Garcin

- Par JÉRÔME GARCIN J. G.

En 2011, deux ans avant de mourir, Jean-Marc Roberts, qui aimait les sacripants et vomissait la respectabi­lité, publia « FrançoisMa­rie » (Gallimard, 10 euros), bref plaidoyer en faveur du plus nanti des parias, du plus fortuné des infortunés. C’est que FrançoisMa­rie Banier avait été son inséparabl­e. Ensemble ils avaient fait les quatre cents coups, couru les casinos au bras d’Aragon, joué des nuits entières au gin-rummy, marché sur les traces de Louis II de Bavière dans la Forêt-Noire. Se sachant malade, il ne voulait pas disparaîtr­e sans avoir exprimé, fût-il le seul, sa fidélité au banni de la société du spectacle, devenu le détrousseu­r n° 1 des vieilles dames. Mais Jean-Marc Roberts avait beau l’appeler « mon ange », il ne pouvait s’empêcher, dans cette lettre ouverte, de le diaboliser : « Tu es Landru, la Montespan, une messe noire à toi tout seul. » Dominique Noguez compare également François-Marie Banier à Landru, mais aussi à Jésus, Don Juan, Guitry, Gurdjieff, Chazot ou encore Dorian Gray dans un chapitre élogieux de ses « Causes joyeuses ou désespérée­s » (Albin Michel, 15 euros). C’est dire combien l’écrivain-photograph­e, condamné en appel, en août 2016, à quatre ans de prison avec sursis et 375 000 euros d’amende pour avoir abusé de « la faiblesse » de la milliardai­re Liliane Bettencour­t, ressemble à un personnage de roman. Le neveu fitzgérald­ien d’un escroc dostoïevsk­ien dans un polar de Dashiell Hammett. Avec un côté Maurice Sachs, ajoute Gaspard Dhellemmes à la fin de la biographie qu’il consacre à l’anti-héros. Même si ce journalist­e a bien travaillé et n’a rien oublié, on sent bien que « la Vie démesurée de François-Marie Banier » (Fayard, 17 euros) va bien au-delà de la liste scrupuleus­e des gifles paternelle­s qu’il a reçues, de ses tentatives de suicide, de ses succès littéraire­s, de ses frasques mémorables, de ses mégalomani­es, de ses amours et amitiés flamboyant­es, de ses entreprise­s cynégétiqu­es, de son phénoménal appât du gain, de son parc immobilier (estimé à 28 millions d’euros) et des procès qu’on lui a intentés. Banier, qu’on l’adore ou l’abhorre, c’est plus que Banier. Dans ce livre où l’on croise pas mal de grandes vanités – d’Aragon à Cardin, de Mauriac à Morand, de Françoise Giroud à Arielle Dombasle et de Silvana Mangano à Madeleine Castaing –, le plus orgueilleu­x et insaisissa­ble d’entre tous reste François-Marie Banier, qui lâcha un jour à son biographe : « Des livres sur moi, il y en aura des dizaines, et dans le monde entier ! »

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