“L’EUROPE ME RÉCONCILIE AVEC LE XXE SIÈCLE”
A l’occasion du débat de 2005 sur le traité constitutionnel, Simone Veil défendait ses convictions en faveur de l’Europe
“Mon engagement européen date de 1945. Dès cette époque, je me suis dit qu’il fallait qu’on se réconcilie avec l’Allemagne, qu’on fasse la paix, et que la seule façon de la faire, c’était de construire une Europe unie. Sinon, on aurait une troisième guerre mondiale. J’étais même favorable, en 1955, à la CED, cette Communauté européenne de Défense que les Français ont refusée parce qu’elle prévoyait le réarmement de l’Allemagne. L’heure n’était sans doute pas venue ? Mais moi, j’étais pour ! Un jour, à un dîner (c’était en 1954), un convive, s’étonnant de ma position, m’avait même rétorqué : « Madame, vous n’avez sans doute jamais entendu parler des camps de concentration ? »
On me dit aujourd’hui que cette Europe de la paix est chose faite. Eh bien, je dis non. L’Europe, pour exister, a besoin de s’adapter en permanence. Si elle n’avance pas, les procédures s’enrayent, les égoïsmes reprennent le dessus. Ce que des hommes ont construit, d’autres peuvent le défaire. Si l’on ne fait pas avancer l’Europe, l’Europe peut se déliter. [...] Et seule l’Europe, aujourd’hui, me réconcilie avec le xxe siècle. Je me dis qu’après tant de barbarie il y a eu au moins cela, cette volonté d’être solidaires, de construire quelque chose ensemble, de façon pragmatique. L’Europe, c’est ce qui fait que l’on peut regarder l’avenir de nos enfants avec un peu plus d’espoir.”