L'Obs

“JE N’AVAIS PAS ENCORE AVORTÉ…”

- Par JUDITH MAGRE, COMÉDIENNE

Ce n’est pas Simone Veil, mais Simone de Beauvoir qui m’a demandé de signer le « Manifeste des 343 ». J’avais joué plusieurs pièces de Sartre. Du coup, j’avais fait sa connaissan­ce, on était devenues amies, on se voyait souvent. C’est elle qui m’a parlé de tout ça. Bien sûr, j’ai tout de suite été d’accord. A l’époque, « le Nouvel Obs » a prétendu que les pétitionna­ires s’étaient toutes fait déjà avorter, ce n’était pas vrai. Pour ma part, je ne l’avais jamais fait encore. J’ai signé parce que je n’aurais pas hésité à le faire si nécessaire. D’ailleurs, je l’ai fait par la suite. Et c’était abominable. Une horreur. Ma prise de position ne m’a valu aucune réflexion désagréabl­e. Qui aurait pu me faire des reproches ? Sûrement pas ma famille. Peutêtre que ma mère a lu « l’Obs » et que ça ne lui a pas plu de trouver mon nom dans la liste des signataire­s. Si c’est le cas, elle s’est bien gardée de m’en parler, elle évitait les sujets qui pouvaient nous fâcher. A part ça, mes amis ne pouvaient qu’être d’accord avec moi. Pas un ne m’a blâmée. A se demander si les gens ont lu la liste du début à la fin. Il fallait se les faire, les 343 signatures ! Moi-même, je ne sais pas si j’ai regardé qui avait signé. Ce que je sais, c’est qu’à la suite de l’article de « Charlie Hebdo », on nous a surnommées les 343 salopes, ce qui ne m’a pas dérangée outre mesure, ni personne de mon entourage. J’ai toujours fait preuve de je-m’en-foutisme en ce domaine.

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Judith Magre, en 1970.

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