Ilya & Emilia Kabakov
Propos recueillis par Hervé Mikaeloff, avec la collaboration d'Ingrid Pux
ILYA ET EMILIA KABAKOV SONT REPRéSENTéS PAR LES GALERIES THADDAEUS ROPAC ET PACE.
à VOIR
ILYA & EMILIA KABAKOV, “NOT EVERYONE WILL BE TAKEN INTO THE FUTURE”, DU 18 OCTOBRE 2017 AU 28 JANVIER 2018, TATE MODERN, THE EYAL OFER GALLERIES, BANKSIDE, LONDRES, WWW.TATE.ORG.UK
“Tout le monde ne participera pas au futur”. Ce titre interroge par la force et la singularité de la proposition. Ilya et Emilia Kabakov sont d'immenses artistes, à l'avant-garde de l'espoir. Pionniers des installations spectaculaires, peintres, poètes, critiques acerbes des états totalitaires, utopistes, ils sont des créateurs incontournables. En pleine préparation de leur première exposition personnelle à la Tate Modern de Londres, Emilia Kabakov a longuement reçu Hervé Mikaeloff. L'artiste éclaire pour nous une oeuvre aussi éclectique qu'engagée, que retrace cet événement de grande envergure, fruit d'une collaboration unique entre l'institution britannique, le musée de l'Ermitage et la Galerie Tretiakov. “Qui décide, qui détermine quels sont les artistes que le futur va retenir ? Qui juge ?” Cette cinglante question est posée d'entrée de jeu par cette femme au regard pétillant et vif, au sourire généreux, et à la voix rocailleuse. Emilia et Ilya Kabakov ont décidé d'intituler leur exposition à la Tate Modern “Not Everyone Will Be Taken Into The Future”. Référence à un article publié par Ilya Kabakov en 1983, en réponse à un texte sur l'abstraction russe, paru dans le magazine subversif A-YA. Ilya Kabakov a imaginé que Malevitch avait organisé un camp de vacances pour sélectionner les artistes qui seraient retenus dans le futur. L'installation de 2001, portant le même titre, est montrée pour la première fois en Angleterre. Un train surgit, sur le point d'écraser des toiles de type social réaliste. De cette scène se dégage une certaine violence, elle amorce une réflexion sur le devenir de la création dans son ensemble dans des contextes politiques qui ne favorisent pas la protection des oeuvres d'art, et développent de moins en moins de mesures visant à élaborer le patrimoine culturel de demain. Cette question soulève des peurs chez beaucoup d'artistes, le mérite des Kabakov est d'en faire un postulat de départ, et du coup de s'en extraire, non sans une certaine ironie, arme fondamentale de leur travail. Emilia Kabakov rappelle volontiers que le monde est devenu si incertain. Au regard de la société anglaise, ce titre résonne avec la réalité politico-économique du Brexit. C'est une habitude chez les Kabakov, ils frappent juste. La Tate Modern a invité ce couple d'artistes russes hors normes à l'occasion de l'anniversaire de la Révolution russe. “Situation pour le moins paradoxale, confie Emilia Kabakov, car nous avons quitté l'Union soviétique où nous n'étions pas libres d'accomplir ce que l'on souhaitait, et dans le même temps nous sommes pétris de notre culture”. La liberté est un mot qui revient souvent, point d'orgue de leur travail d'exploration. “Les gens ont toujours besoin de s'extraire de quelque chose, que ce soit de l'oppression d'un système politique, du religieux, de la famille, ils ont besoin d'un espace de liberté, et l'art est cet espace.” Ilya et Emilia Kabakov se sont rencontrés en 1988, et sont parvenus à émigrer aux Etats-Unis où ils vivent à Long Island. Ilya est né en 1933 en Ukraine, alors encore soviétique. Il est peintre. Emilia, née en 1945 en Ukraine, est musicienne et commissaire d'expositions. Dans les vastes salles de la Tate Modern sont montrées les premières peintures de 1954, ainsi que les peintures plus conceptuelles qui datent de 1964, notamment la série des Ten characters où Ilya Kabakov met en scène pour la première fois ses personnages de fiction, véritables alter ego. L'écriture s'insère dans la plus pure tradition des artistes russes. Elle est poétique, fantasque et tranchante. “Nous sommes des peintres, pas seulement des faiseurs d'installations”. La peinture est centrale, elle se découpe, se détache, se retranche, se réinvente. Les nombreux tableaux se déploient et offrent une vision saisissante de la pratique d'Ilya Kabakov. Mise en abîme, tableau dans le tableau (séries Holidays et The Flying), gigantisme des surfaces (Monumenta, Grand Palais, 2014), perspectives décalées et collages, comme dans le très beau The collage of spaces #6, où des visages joyeux et intenses viennent se superposer à des intérieurs d'appartements bourgeois. Ce procédé pictural vise à rendre une réalité de perception du peintre. “Je ne sais pas pourquoi depuis mon enfance, j'ai expérimenté l'indifférence, ou pour le dire mieux, le dégoût pour les choses autour de moi, et à l'inverse, j'ai eu des émotions incroyablement positives quand je décelais une sorte d'espace. Je préfère quand les choses arrivent à une certaine distance”, indique Ilya Kabakov (catalogue raisonné publié chez Kerber, vol 3). Cette notion de distance est cruciale pour appréhender ses compositions. Holidays a une connotation plus politique. Ilya Kabakov a été aussi tenu de répondre à des commandes officielles pour l'Union soviétique, ces nombreuses toiles, il les a conservées, puis assemblées et y a greffé des petites fleurs qui se fanent, rendant le tout dérisoire, et dressant un portrait mordant sur ce que c'est d'être artiste dans cet état tout-puissant. A Moscou, entre 1960 et 1970, le studio du peintre est un lieu underground où discussions, performances, et créations se mêlent. L'artiste s'interroge sur sa pratique et commence son travail autour de l'objet. Avec le temps, cela va devenir une composante essentielle de sa pratique. Incident in the Corridor near the kitchen (1989) illustre cette combinaison peinture-objet avec une flopée de casseroles, qui vont et viennent aussi bien sur la toile, figurant des paysages de nature, que dans l'espace laissant imaginer – avec un humour grinçant –, ce qu'était la vie dans ces appartements communautaires de Moscou, souvent vétustes, surpeuplés, très surveillés ne permettant aucune intimité et peu d'hygiène. Dans le prolongement des peintures, le visiteur se retrouve à longer un couloir étroit qui semble ne jamais vouloir finir, il a pénétré dans le The Labyrinth : my Mother album (1990). Pour les artistes cette exposition est unique car elle offre une place centrale à la figure de la mère du peintre qui, très tôt, a su reconnaitre en son fils un immense talent, et qui a oeuvré toute sa vie pour que celui-ci puisse étudier, pour qu'il devienne un artiste. “Sa mère est la personne dont il est le plus proche, il se sent toujours coupable par rapport à elle, car elle a sacrifié sa vie pour lui”. Au sortir de la Révolution, cette femme – Bertha Urivna Solodukhina – va défier la famine de 1922, le dénuement extrême, la violence, la peur, l'antisémitisme pour apporter à son fils le plus de soutien possible, pour privilégier son éducation et son bien-être. “La révolution était une totale fiction, la vie a été très difficile après pour les gens, trouver du pain, avoir un travail, le garder était un défi... mère et fils ont passé beaucoup de temps sans foyer”. Cette installation est un hommage à la force et à la persévérance de cette femme, et de l'ensemble d'un peuple qui a connu de sévères restrictions, de nombreuses injustices et souffrances. Le visiteur entend la voix d'Ilya Kabakov entonnant une chanson douce, ceci renforce la dynamique terrifiante de la survie de sa mère et l'innocence de l'enfant, de la difficulté et de la nécessité de l'accomplissement. Emilia Kabakov confie la fierté de la mère de l'artiste quand celui-ci a pu enfin lui offrir une maison. La mère est au coeur de l'exposition, car elle est le coeur d'Ilya Kabakov. De cette installation surgit toutes les autres. “L'art est le lieu, l'espace où l'on peut réaliser les utopies, où culture et fantaisies peuvent se rejoindre et se connecter. A l'inverse, la politique, la religion véhiculent des utopies qui ne fonctionnent pas, et ne peuvent fonctionner, mais l'art élargit les horizons et ouvre le champ des possibles. Les politiques ont souvent tenté de changer le monde, ils ont échoué, la religion également a essayé, elle a échoué
alors elle a inventé le paradis. Les artistes peuvent changer le monde en offrant la réalisation de leurs rêves dans la réalité.” Le duo est reconnu pour sa mise en scène souvent impressionnante de mondes imaginaires. Les utopies prennent corps et s'incarnent. Toujours en premier lieu laisser l'homme conquérir son espace de liberté. Dans The Man Who Flew into Space from His Apartment, 1985 (collection du Centre Pompidou), Ilya Kabakov retrace l'histoire de Nicolaev, son voisin de chambre dans l'appartement communautaire, homme introverti, qui a fomenté son évasion en vue de rejoindre le cosmos à un moment précis où les énergies sont susceptibles de le recevoir. Il a construit une catapulte, véritable siège éjectable, et a synchronisé son extraction avec un instant précis de convergence cosmique qui a eu lieu au milieu de la nuit du 14 avril 1982. Nicolaev n'a jamais été retrouvé. Il laisse un trou béant dans le plafond et la poussière recouvre ce que fût sa vie. La chambre est ainsi donnée à voir avec ses posters tapissant les murs car il ne pouvait s'offrir de papier peint, un lit spartiate, deux chaises, et la violence de l'extraction encore palpable, ainsi que son mystère. Il souhaitait rejoindre le ciel, car il n'était pas selon lui, un habitant de la Terre. Peut-être est-ce même Nicolaev qui flotte, est-ce lui l'ange de cette “étrange cité” qu'ont édifiée les Kabakov pour Monumenta au Grand Palais en 2014, et dont les vestiges ressurgissent à la Tate Modern. L'ombre de l'ange plane dans cette rétrospective. Tatline et les architectones de Malevitch ne sont pas loin, l'hommage en tout cas est certain, et le clin d'oeil aux constructivistes russes prégnant. L'échelle – qui évoque celle de Jacob, mais aussi la volonté de conquête spatiale de la Russie – incite à imaginer la rencontre d'un ange. Pour les Kabakov, les anges font partie de nos existences, ils
s'invitent à des moments de nos vies, charge à nous de les reconnaître. S'échapper là encore, et s'offrir l'espoir de la rencontre avec l'ange pour influencer le destin de chacun. Rassembler est un autre fer de lance des Kabakov qui travaillent depuis des années sur le très beau projet Ship of Tolerance, un bateau dont les voiles sont dessinées par des enfants et la coque réalisée par les charpentiers de la ville qui le reçoit. “La culture et les symboles visuels sont plus forts que le langage. Les adultes ont des esprits plus normés, la diversité fait peur, elle vient de l'ignorance. Très jeunes, les enfants ont un esprit souple et peuvent réfléchir sur cette question de la tolérance sans préjugés. Ils peuvent rendre le monde meilleur. Le dessin, comme la musique, permettent une communication en dehors des mots, et les enfants provenant de communautés différentes se rassemblent et s'apprivoisent, et de concert créent une fresque d'espérance.” Le premier, né en Egypte en 2005, a été réactivé à Venise lors de la biennale de la même année, pour se construire ensuite à Miami en 2011. Les artistes ont convaincu les autorités cubaines en 2012, puis le projet a été reçu à Brooklyn en 2013. Cette année, avec le soutien d'Art Action Change, le navire a été construit à Rome, où les artistes ont été reçus par le pape. Et puis à Zug, en Suisse, où les réfugiés sont nombreux, la ville devenant aux yeux d'Emilia Kabakov “symbole de la tolérance”. Les gens des différentes communautés ont appris à se connaître, et un formidable élan de solidarité s'en est suivi. Le bateau est une installation permanente. En 2018, ce sera à la Kunsthalle de Roscof en Allemagne, et en septembre 2018, le vaisseau flottera sur la Tamise à Londres. Le rêve s'est réalisé.
“NOT EVERYONE WILL BE TAKEN INTO THE FUTURE”. THIS TITLE ATTRACTS ATTENTION BY THE FORCE AND SINGULARITY OF ITS PROPOSITION. ILYA AND EMILIA KABAKOV ARE EXTRAORDINARY ARTISTS, AT THE FOREFRONT OF HOPE. AS PIONEERS OF SPECTACULAR INSTALLATIONS, PAINTERS, POETS, HARSH CRITICS OF TOTALITARIAN STATES, AND UTOPIANS, THEY ARE ESSENTIAL CREATORS. IN PREPARATION FOR THEIR FIRST SOLO SHOW AT THE TATE MODERN IN LONDON, HERVé MIKAELOFF INTERVIEWED EMILIA KABAKOV AT LENGTH. THE ARTIST ILLUMINATES FOR US A WORK AS ECLECTIC AS IT IS ENGAGED, THAT RETRACES THIS LARGE-SCALE EVENT, AND WHICH IS THE FRUIT OF A UNIQUE COLLABORATION BETWEEN THE BRITISH INSTITUTION, THE HERMITAGE MUSEUM, AND THE TRETYAKOV GALLERY.
INTERVIEW BY HERVé MIKAELOFF, WITH THE COLLABORATION OF INGRID PUX
“Who decides, who determines which artists the future will retain? Who judges?» This scathing question is posed from the outset by a woman with sparkling and lively eyes, a generous smile, and a gravelly voice. Emilia and Ilya Kabakov have decided to name their exhibition at the Tate Modern «Not Everyone Will Be Taken Into The Future». It is a reference to an article published by Ilya Kabakov in 1983, in response to a text on Russian abstraction published in the subversive magazine A-YA. Ilya Kabakov imagined that Malevitch had organized a holiday camp in order to choose those artists who would be retained in the future. The 2001 installation, bearing the same title, is now shown for the first time in England. A train appears and is about to crush social realist paintings. From this scene emerges a certain violence, initiating a reflection on the role of creation as a whole in political contexts that do not favor the protection of works of art, and which develop fewer and fewer measures in order to foster the cultural heritage of tomorrow. This question raises fears among many artists: the Kabakovs' achievement is to make it into a starting postulate, and to extract from it, not without irony, a fundamental weapon of their work. Emilia Kabakov is fond of saying that the world has become so uncertain. With regard to English society, this title resonates with the political and economic reality of Brexit. It's a habit among the Kabakovs: their aim is true. The Tate Modern invited this couple of outstanding Russian artists on the occasion of the anniversary of the Russian Revolution. «This is a situation which is in the least paradoxical,» says Emilia Kabakov, «because we left the Soviet Union, where we were not free, in order to do what we wanted, and at the same time we are steeped in our own culture.» Freedom is a word that comes up often: it is a culminating point of their exploratory work. «People always need to get out of something, whether the oppression of a political or religious system, or of the family, they need a space of freedom, and art is this space.» Ilya and Emilia Kabakov met in 1988 and managed to emigrate to the United States, where they now live on Long Island. Ilya was born in 1933 in Ukraine, then still under Soviet rule. He is a painter. Emilia, born in 1945 in Ukraine, is a musician and curator. In the vast halls of the Tate Modern are shown the first paintings from 1954, as well as the more conceptual paintings dating from 1964, including the series of «Ten Characters» in which Ilya Kabakov staged his fictional characters, veritables alter egos, for the first time. The writing is inscribed in the purest tradition of Russian artists. It is poetic, whimsical, and sharp. «We are painters, not just installation artisits». Painting is central: it is cut, detached, entrenched, reinvented. The many paintings unfold and offer a striking vision of Ilya Kabakov's practice. Mise en abîme, painting within the painting (the Holidays and The Flying series), gigantism of surfaces (Monumenta, Grand Palais, 2014), staggered perspectives and collages, as in the very beautiful The Collage of Spaces # 6, where happy and intense faces are superimposed on the interiors of bourgeois apartments. This pictorial process aims to transmit the painter's reality of perception. «I do not know why, since my childhood, I've experienced indifference, or to say it better, disgust for things around me, and conversely, I've had incredibly positive emotions when I was deciphering a kind of space. I prefer when things happen at a certain distance» says Ilya Kabakov (in the catalogue published by Kerber, vol 3). This notion of distance is crucial to understanding his compositions. Holidays has a more political connotation. Ilya Kabakov was also required to respond to official orders for the Soviet Union; he kept these many paintings, then assembled and grafted onto them small flowers which die, making the whole things derisory, and drawing an acerbic portrait of what it's like to be an artist in this all-powerful state. In Moscow, between 1960 and 1970, the painter's studio was an underground space where discussions, performances, and creations mixed together. The artist reflects on his practice and begins his work around the object. Over time, this will become an essential component of his practice. «Incident in the Corridor Near the Kitchen» (1989) illustrates this painting-object combination with a variety of pots and pans which come and go on the canvas, depicting landscapes of Nature, but also in the space which allows us to imagine – with a sardonic humor – what life must have been like in these community apartments in Moscow, which were often old, overcrowded, always under surveillance, with no privacy and little hygiene. In the extension of the paintings, the visitor finds herself in a narrow corridor that never seems to end. She has entered The Labyrinth: My Mother Album (1990). For the artists, this exhibition is unique because it gives pride of place to the figure of the painter's mother who, very early on, knew how to recognize in her son an immense talent, and who worked all her life so that he could study and become an artist. «His mother is the person he is closest to, he always feels guilty about her, because she sacrificed her life for him». At the end of the Revolution, this woman – Bertha Urivna Solodukhina – survived the famine of 1922, as well as the extreme deprivation, violence, fear, and anti-Semitism, in order to bring the most support possible to her son, to prioritise his education and welfare. «The revolution was a total fiction, life was very hard for people afterwards: finding bread, having a job, keeping it was a challenge ... Both mother and son spent a lot of time being homeless». This installation is a tribute to the strength and perseverance of this woman, and of the whole of a people who experienced severe restrictions, injustices, and suffering. The visitor hears the voice of Ilya Kabakov singing a sweet song, reinforcing the terrifying dynamics of his mother's survival and the child's innocence, as well as the difficulty and need for fulfillment. Emilia Kabakov speaks of the pride of the artist's mother when he was finally able to offer her a house. His mother is at the heart of the exhibition, because she is the heart of Ilya Kabakov. From this installation emerges all the others. «Art is the place, the space where utopias can be realized, where culture and fantasies can meet and connect. On the other hand, politics and religion convey utopias that do not and cannot work, but art expands horizons and opens up the field of possibilities. Politicians have often tried to change the world, they failed, religion has also tried, it too failed, so it invented paradise. Artists can change the world by offering the realization of their dreams in reality.» The duo is known for their often impressive staging of imaginary worlds. Utopias take shape and are incarnated. Man must always first conquer his space of liberty. In The Man Who Flew Into Space from His Apartment, 1985 (collection of the Centre Pompidou), Ilya Kabakov retraces the story of Nicolaev, his roommate in the community apartment. An introverted man, who planned his escape with the idea of joining the cosmos at a precise moment when the energies were likely to receive it, he built a catapult – a true ejection seat – and synchronized his extraction with a precise moment of cosmic convergence, that took place in the middle of the night of April 14, 1982. Nicolaev was never found. He leaves a gaping hole in the ceiling and the dust covers what was once his life. The room is thus displayed with its posters lining the walls (because he could not afford wallpaper), its spartan bed, two chairs, and the violence of the extraction, as well as
its mystery, still palpable. He wanted to reach the heavens, because he was not, in his own eyes, an inhabitant of the Earth. Perhaps it is even Nicolaev himself who floats as the angel of this «strange city» that the Kabakov built for Monumenta at the Grand Palais in 2014, and whose remains resurface at the Tate Modern. The shadow of the angel hovers over this retrospective. Tatline and Malevich's architectones are not far away, the homage in any case is clear, and the nod to the Russian constructivists plain. The scale - which evokes that of Jacob, but also Russia's desire for space conquest - encourages us to imagine meeting with an angel. For the Kabakovs, angels are part of our lives, they intervene at key moments of our lives, and we are responsible for recognizing them. To escape, here again, and give oneself the hope of meeting with an angel in order to influence destiny. Gathering together is another crucial aim of the Kabakovs, who have been working for years on the beautiful Ship of Tolerance project, a boat whose sails are drawn by children and whose hull is made by the carpenters of the city that receives it. «Culture and visual symbols are stronger than language. Adults have more normalized minds, diversity is frightening, it comes from ignorance. When very young, children have a flexible mind and can reflect on this issue of tolerance without prejudice. They can make the world better. Drawing, like music, allows communication beyond words, and children from different communities come together, tame each other, and together create a fresco of hope.» The first, born in Egypt in 2005, was reactivated in Venice during the biennale of the same year, and was subsequently constructed in Miami in 2011. The artists convinced the Cuban authorities in 2012, then the project was received in Brooklyn in 2013. This year, with the support of Art Action Change, the ship was built in Rome, where the artists were received by the pope. And then in Zug, in Switzerland, where refugees are numerous, with the city becoming, in the eyes of Emilia Kabakov, a «symbol of tolerance». People from different communities came to know each other, and a tremendous surge of solidarity followed in its wake. The boat is a permanent installation. In 2018, it will be at the Kunsthalle in Roscof, Germany, and in September 2018 the ship will float down the Thames in London. The dream came true. Ilya and Emilia Kabakov, “Not everyone will be taken into the future”, from October 18 2017 to January 28 2018, Tate Modern, The Eyal Ofer Galleries, Bankside, Londres, www.tate.org.uk