Tendances bijoux —
Au coeur de Jodhpur, une utopie architecturale de grès et de marbre concilie magnificence du Rajasthan et rigueur de l'art déco: c'est le Umaid Bhawan Palace, un palais de trois-cents-quarante-sept pièces qui sert de résidence à la famille princière de son altesse Gaj Singh II. Éduqué en Angleterre, le maharadjah est un gentleman estimé de tous, qui pose son regard tendre, ouvert et humaniste sur le monde dont il apprécie la modernité tout en veillant à garder intacte la mémoire et les traditions de son pays. Si son grand-père bâtit ce palais dans les années 1930 pour donner du travail à son peuple décimé par la sécheresse, Gaj Singh II (bien que sa modestie lui interdise d'en parler) ne quitte son flegme tout britannique que pour s'investir avec vigueur dans des projets d'adduction d'eau pour des villages ou pour décrire avec passion la beauté de sa ville bleue. Pour promouvoir la gloire de sa cité, le maharadjah, qui célébra en 2002 le 50e anniversaire de son
Sous le haut patronage du maharadjah Gaj Singh II, Claire Choisne compose pour Boucheron une ode à Jodhpur, où le sable et le marbre deviennent talismans précieux pour la première fois en haute joaillerie.
accession au trône (il n'avait que 4 ans lorsqu'il fut intronisé), peut compter sur le soutien indéfectible de Nupur Tron. Ambassadrice des arts et cultures d'inde en France, la jeune femme de sang royal, ellemême créatrice de joaillerie, ne ménage pas sa peine lorsqu'il s'agit de resserrer les liens entre la France et son pays natal. Elle fut l'intermédiaire enthousiaste qui permit à son altesse de faire connaissance avec Claire Choisne, la nouvelle directrice des créations Boucheron : rencontre décisive qui, après trois années de recherches intensives, donna naissance à une collection de haute joaillerie somptuaire. La jeune et brillante Claire est l'architecte de la collection “Bleu de Jodhpur”. Elle a multiplié les voyages vers le Rajasthan pour discuter avec son altesse des cent-cinq dessins imaginés et des soixante pièces présentées. “Entre l'inde et Boucheron, l'histoire d'amour est évidente, explique-t-elle. Je pense par exemple au saphir `Cabochon' que Louis Boucheron ramena de son premier voyage en Inde en 1909 et qui est devenu la signature de la maison. Ou encore au maharadjah de Patiala qui choisit Boucheron pour faire créer cent-quarante-neuf colliers avec les pierres de son trésor – 7 571 diamants et 1 432 émeraudes – en 1928 : la plus fabuleuse commande de bijoux de l'histoire de la place Vendôme!” Pas question pour autant de céder aux clichés faciles ou ethniques. La beauté de la collection se manifeste aussi bien dans la justesse du regard, qui évite avec bonheur toute traduction littérale et figurative, que dans le choix innovant et audacieux des matériaux : les vingt-trois pièces de marbre qui ornent les pampilles bicolores d'un éblouissant collier réversible, ou encore ce sable du désert du Thar, figé à jamais dans le coeur d'un cristal de roche, qui figure le pendant d'un collier talisman représentant les contours de la citadelle d'ahhichatragarh. “J'appréhendais les réactions de son altesse face à ma vision de Jodhpur mais elle a beaucoup apprécié l'émotion joaillière de cette Inde inédite qui confirme, pour citer Proust, que le vrai voyage ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.”