L'officiel

FÉERIQUE MARTA CE QU'ELLE PRÉFÈRE

- Par LÉA TRICHTER-PARIENTE Photograph­ie SILVIA TENENTI

Silhouette longiligne et visage d’ange, Marta Ferri a l’élégance intemporel­le de ses créations. Elle nous reçoit, au coeur de Milan, dans sa maison qui concilie à merveille passé et présent.

De son papa, photograph­e de mode, qu’elle a assisté, et de sa maman, architecte d’intérieur qui lui a transmis la passion du tissu, Marta Ferri a hérité d’un sens artistique pointu. Créatrice de mode, elle a imposé en quelques années son style, rétro-chic et féminin, ne suivant aucune tendance, bien au contraire. Tailles hautes, matières simples mais généreuses et imprimés distinctif­s sont sa signature. À son image, elle a choisi d’établir un petit atelier de couture où règnent discrétion et raffinemen­t, afin d’être en contact direct avec les clientes et les créations. La mode ? C’est pour elle un mode d’expression. “Je n’ai jamais rêvé d’être créatrice. Petite, c’était plutôt un terrain de jeu lorsque je suivais mon père sur ses prises de vues. J’ai beaucoup voyagé avec lui pour son travail. J’ai grandi dans les studios de photo, aux côtés d’équipes adorables, au milieu de robes magnifique­s.” N’ayant pas d’attrait particulie­r pour les études, Marta décide de rejoindre son père à New York une fois son bac en poche. Elle débute dans la vie active comme assistante photograph­e et retouche photo puis devient scénograph­e. Elle aiguise durant quatre ans son oeil et son sens du détail avant de rentrer à Milan où elle est engagée au merchandis­ing boutique et vitrine chez Prada. “Un travail très artistique et visuel, qui, contrairem­ent à ce qu’on peut croire, était très photograph­ique.” Durant un an et demi, elle sillonne les boutiques européenne­s de la marque, ne passant parfois que quatre jours par mois chez elle. “Une excellente école, très dure mais très formatrice.” Une fois cette expérience terminée, Marta parvient à convaincre son amoureux de l’époque, Carlo Borromeo – aujourd’hui son mari et papa de leur fils âgé de moins d’un an –, de partir vivre quelque temps à Buenos Aires. Mais le destin les retient à Milan: Paola Marzotto, la maman de Carlo, consciente du potentiel créatif de Marta, l’encourage à réaliser des robes. En pleine saison du mariage en Italie, Marta s’exécute et les porte lors de réceptions : “Tout le monde venait me compliment­er et me demander d’où venait ce que je portais. Face à un tel engouement, nous avons décidé d’annuler l’argentine et de rester à Milan. Carlo y a ouvert son bureau de design industriel et moi, mon premier atelier. Un mois après, je recevais mes premières clientes.” Couturière autodidact­e, elle aime à travailler des matières humbles telles que les cotons épais ou le lin, souvent vintage ou issus de l’univers de l’ameublemen­t, qu’elle chine un peu partout en Italie. “J’ai mes adresses secrètes et des fournisseu­rs avec lesquels j’entretiens ma passion du tissu.” Ce qu’elle préfère dans son travail ? La recherche des matières. “J’adore les imprimés vichy, les larges rayures ou les grosses fleurs à l’anglaise.” Plutôt raisonnabl­es, ses prix oscillent entre 1300€ et 6 000 € pour une robe de mariée sur mesure. Tout

Manger des pâtes à la tomate.

Lire “Una parentesi luminosa”, de Marella Caracciolo Chia.

Écouter le guitariste jazz Biréli Lagrène.

Voir les films d'almodovar.

Regarder les oeuvres de Degas.

Admirer tout ce qui a un

rapport avec l'impression­nisme ou les années 1950.

comme dans une maison de couture, les clientes sont reçues dans l’atelier où elles parlent de leurs attentes, des matières et des formes avant d’être mesurées. Ensuite, on leur présente des croquis, qui sont suivis de deux ou trois essayages. Chaque création est réalisée à la main par des couturière­s de la maison. Authentiqu­e et sincère dans sa démarche, Marta reconduit saison après saison ses codes à travers des modèles devenus phares tels que les pantalons ceinturés, les jupes, les robes taille haute. L’allure Marta Ferri ? Ultra-classique avec toujours un twist. Si elle apprécie les lignes des années 1950, Marta s’adapte avant tout au corps des femmes qu’elle habille. Ainsi, son style touche des femmes de toutes génération­s: “Il m’arrive d’habiller la grand-mère, la mère et la fille.” Singularit­é, élégance et décontract­ion sont ses maîtres-mots. Loin des total-look, elle assortit volontiers ses séduisante­s jupes amples à des chemises d’homme unies ou en denim. “J’aime l’idée d’être féminine le soir et plus garçon manqué la journée.” Après avoir lancé une collection de prêt-à-porter, Marta a préféré y mettre un terme pour se concentrer sur le sur-mesure : “Cela ne me convenait pas. J’étais trop éloignée du produit. De plus, j’aime que l’expérience soit humaine et que chacun de mes modèles soit unique.” Cependant, elle multiplie

volontiers les collaborat­ions. Après Birkenstoc­k, elle vient de réaliser une ligne de chaussures pour Superga et poursuit sa ligne de sacs, fidèle aux motifs de la maison. Elle cultive la discrétion, mais il n'est pourtant pas rare de retrouver ses créations dans les journaux, portées par les Milanaises les plus en vue, telles que Beatrice Borromeo, sa belle-soeur et épouse de Pierre Casiraghi. De nouvelles adeptes convergent des quatre coins du monde dans son atelier, notamment des jeunes femmes venues d'argentine ou d'inde. Ses projets ? L'organisati­on d'une session de vente à New York, le renforceme­nt de sa section dédiée au mariage et le déménageme­nt de son atelier dans un espace plus grand en plein coeur de la ville. À Milan, Marta mène une vie de jeune maman épanouie. “Depuis que je suis maman, je me réveille tous les matins à 7 heures. Le petit-déjeuner avec mon mari est le meilleur moment de ma journée. C'est un rituel. Ensuite, chaque journée est différente selon que je vais à l'atelier rencontrer des clientes ou discuter avec les couturière­s ou que je fais des recherches de matières. Lorsque je ne travaille pas, je fais du yoga, je vais au musée, je me promène avec mon bébé au parc ou je déambule dans les rues de Milan. J'adore marcher.” Le soir, en véritable Milanaise, elle rejoint ses amis pour l'aperitivo. Ensuite, elle se rend dans l'un des restaurant­s où elle a ses habitudes, ou elle reçoit ses amis chez elle. “Je prends plaisir à cuisiner mais cela me demande du temps, car je fais moi-même les courses et je prends soin de réaliser une jolie table, même pour un simple dîner à deux. Carlo se moque de moi car je la décore toujours de petits objets. Je préfère les dîners intimes aux grandes tablées, sauf à Noël où

l’on a pour tradition d’accueillir tous les membres de notre vaste famille.” À Milan, sa maison est située dans un quartier résidentie­l, à la limite de l’effervesce­nte Via Torino. Éclectique, le lieu est à la fois classique, rustique et contempora­in. Le rez-de-chaussée abrite la cuisine, pièce favorite de Marta, qui donne sur un charmant patio. Au premier, on trouve la ravissante salle à manger au style bucolique avec ses peintures végétales au mur, son lustre et ses appliques chêne, et le salon tout en longueur qui donne sur une enfilade de fenêtres. Au second, la chambre à coucher au style très feutré, le salon télé et la chambre du bébé. “La majorité des éléments disséminés aux quatre coins de la maison ont appartenu à ma famille et à celle de Carlo; pour le reste, ce sont des choses que nous avons chinées.” Ensemble depuis plus de dix ans, Marta et son mari se sont rencontrés grâce à des amis communs lorsqu’ils avaient 17 et 19 ans. En réalité, leur histoire date de bien plus tôt. Les parents de Marta, Barbara Frua De Angeli et Fabrizio Ferri étaient de vieilles connaissan­ces des parents de Carlo. “Lorsque j’ai raconté à maman que j’avais rencontré Carlo, elle m’a ressorti des photos de nous enfants. Nous avons d’abord été amis avant de sortir ensemble.” Si le mariage a eu lieu en 2012 à Pantelleri­a, une île au large de la Sicile où Marta séjourne depuis sa jeunesse, la demande en mariage a eu lieu à Milan, dans cette maison, et plus exactement dans le salon à l’époque en plein chantier. “Les travaux ont duré trois ans et demi.” La maison chargée d’histoire, qui était à l’origine la maison de l’artiste italien Giuseppe Bossi, était à l’abandon depuis de nombreuses années. Marta s’est chargée elle-même de la décoration, mais elle n’a pas hésité à consulter sa décoratric­e de mère. Résultat, l’atmosphère y est très habitée et personnell­e, même si Marta considère que le lieu n’est encore pas fini. Chaque meuble leur rappelle de bons souvenirs. En atteste leur lit conjugal, qui est le lit de Carlo lorsqu’il était enfant. Dans le salon, les colonnes antiques en bois sont celles avec lesquelles Marta a grandi dans l’appartemen­t de son père, la cheminée en pierre occupait le salon de l’ancienne maison de sa mère, la collection de presse papier appartenai­t à sa grand-mère, les lampes au style industriel sont des créations de sa mère et la sublime table basse est une réalisatio­n de celle de Carlo. Nostalgiqu­e et

“J’aime que l’expérience soit humaine et que chacun de mes modèles soit unique.”

sentimenta­le, Marta conserve toutes les traces d’un passé qu’elle a aimé. Pas étonnant de retrouver chez eux, outre de très nombreuses photos de famille évoquant des moments tendres, ses chaussures de mariée, les gants de motard de son mari ou encore les menus des réceptions organisées par la grand-mère de Carlo, le tout réuni et encadré comme des oeuvres d’art à côté des photograph­ies, des tableaux ou des statues qu’ils collection­nent. Le compliment qui l’a le plus touchée? Que cette maison ne ressemble à aucune autre, et qu’elle ait la conviviali­té d’une maison de campagne et le chic d’un appartemen­t en ville. Pour s’évader, le weekend, le couple se rend dans l’une de leurs maisons de famille, sur le lac Majeur dans la famille de Carlo, à Pantelleri­a, chez le père de Marta, à Saint-tropez ou à Capalbio en Toscane chez sa mère.

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SON SALON TÉLÉ À L’AMBIANCE DÉSUÈTE.
4. LA CHAMBRE À COUCHER DU COUPLE, DONT LES PEINTURES EN TROMPE-L’OEIL AU MUR DONNENT UN EFFET DE TENTURE.
5. DANS LA PIÈCE MITOYENNE AU SALON
QUI FAIT OFFICE DE BAR, MARTA DANS UNE
DE SES...
3. MARTA FERRI DANS SON SALON TÉLÉ À L’AMBIANCE DÉSUÈTE. 4. LA CHAMBRE À COUCHER DU COUPLE, DONT LES PEINTURES EN TROMPE-L’OEIL AU MUR DONNENT UN EFFET DE TENTURE. 5. DANS LA PIÈCE MITOYENNE AU SALON QUI FAIT OFFICE DE BAR, MARTA DANS UNE DE SES...

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