DE VOUS À MOI « Serial revolution », par Nelly Alard.
Les scénaristes, c’est connu, nesont jamais contents. Dèsl’âge d’or de Hollywood, des romanciers célèbres tels Faulknerou Fitzgerald, attirés sur la côte Ouest par les sirènes du cinéma, se plaignaient de la manière dont ils étaient traités par les studios, ce que l’un d’eux résumait en ces termes : « Ils sabotent vos histoires. Ils massacrent vos idées. Ils prostituent votre art. Et que recevez-vous en échange? Une fortune ! » AUJOURD’HUI A SONNÉ L’HEURE DE LA REVANCHE. À Hollywood, tandis que le cinéma est de plus en plus abandonné aux franchises et aux effets spéciaux, la télévision est devenue le lieu du plein pouvoir pour les auteurs. UN MÉTIER NOUVEAU EST APPARU : LE « SHOW RUNNER ». Créateur d’une série, il est le seul à en maîtriser l’esprit et la forme, il en dirige l’écriture collective et en assure la cohérence et l’intégrité artistique jusqu’à la fin de la postproduction. C’est lui qui a le dernier mot sur l’ensemble des choix éditoriaux, depuis le casting jusqu’aux moindres détails des décors et costumes. Quoi de plus naturel, me direz-vous? Mais c’est une révolution, qui contredit tous ceux qui prétendent depuis des lustres que logique d’auteur et processus industriel seraient inconciliables. Comme les pays scandinaves qui, emboîtant le pas aux États-Unis, exportent dans le mondeentier des séries à succès comme « Borgen » ou « Brøm » (dont ont été adaptés « The Bridge » à la télé américaine et « Tunnel » sur Canal +), LA FRANCE SE MET DOUCEMENT AU DIAPASON. Le succès à l’international de séries françaises telles que « les Revenants » ou « Engrenages » prouve, s’il en était besoin, que le pays de Beaumarchais ne manque pas de talents. Et l es nouveaux cycles de formation (showrunner à l’INA, cursus séries TV à La Femis) devraient encourager les vocations. CRÉER UN UNIVERS DONT ON MAÎTRISE LES RÈGLES, orchestrer des vies dont aucun rebondissement ne nous échappe, n’est-ce pas le rêve de chacun d’entre nous ? Attendons-nous bientôt à entendre de la bouche de nos enfants : « Moi, quand je serai grand, je veux être showrunner! »