Madame Figaro

Dimitri Rassam. l’instinct de cinéma.

IL A HÉRITÉ DU NOM D’UN CLAN FLAMBLOYAN­T DE PRODUCTEUR­S. DE SON ENGAGEMENT TOTAL POUR LE CINÉMA, AUSSI. CONSACRÉ AVEC “LE PRÉNOM” ET LANCÉ DANS L’AVENTURE 3D AVEC “LE PETIT PRINCE”, LE FILS PRODIGE INCARNE LE RENOUVEAU DE LA PRODUCTION FRANÇAISE. ITINÉRAI

- PAR CAROLINE DE BODINAT PHOTOS YANN RABANIER

SSON NOM VOUS PARLE. IL EST SYNONYME DE CINÉMA. De la production à la réalisatio­n en passant par la distributi­on. Qu’en est-il de son prénom? De lui, la première chose dont vous serez averti, c’est qu’il va vite, très vite. Pour l’instant, on a un café d’avance sur lui. Il est en retard, il a prévenu, parce qu’il est prévenant et courtois, extrêmemen­t. Il arrive vers vous, main tendue, en excuses, confondu. L’avantage du robusta qu’on pensait avoir sur lui n’est que mirage. Il vous enregistre, vous perçoit tout de suite et peut vous semer rapidement si le wagon que vous êtes ne s’accroche pas àla locomotive. Il ale sens dumotexact, la dialectiqu­e pour atout, en une phrase il peut se montrer charmant, avec la suivante se révéler plus froid. Il n’est pas dans la séduction, mais dans la conviction. Et bienheureu­x celui qui, avec lui, gagnera au match de l’argumentat­ion. Dimitri Rassam, donc. Impossible à ce stade de couper aux présentati­ons d’usage. Dimitri Rassam, c’est le portrait de sa mère, Carole Bouquet. Il a hérité de l’enveloppe et surtout du magnétisme. Comme au Scrabble, cette aura compte double dès quel’on évoque son père, le producteur Jean-Pierre Rassam. Dans un recueil, que l’on fera ressortir des archives du Livre de Poche, ouvrage signé par Gérard Depardieu, intitulé « Lettres volées », cedernier s’adresse à Rassam parces mots : « Je t’avais surnommé le Rimbaud de la production. Avecton entrée fracassant­e dans ce métier, la production a pris une dimension poétique et les chiffres se sont mis à avoir des idées. » À ce producteur qui s’est lancé à 22 ans, on doit entre autres : « Tout va bien », de Godard, « Nous ne vieilliron­s pas ensemble », de Pialat, « Tess », de Polanski, et les films desonami Jean Yanne. Personnali­té incandesce­nte, extrême en tout, talent, instinct, charme, verbe cinglant, Jean-Pierre Rassam continue de fasciner la planète Cinéma, vingt ans après son décès, en 1985, dû à un empoisonne­ment au Binoctal, ce que conclura le rapport d’autopsie. À l’époque Dimitri a 3 ans. « Je n’occulte rien de la trajec- toire que fut celle de mon père. Il est mort plus tôt que d’autres, la fulgurance consume plus vite. Je n’ai pas été confronté à la violence du moment. Je ne me retrouve pas dans cette fascinatio­n caricatura­le que l’on a fait de l’homme de cinéma. Mais plutôt dans sa force de vie, son intensité, sa passion pour l’accompagne­ment de la création. Je ne suis pas dans l’autodestru­ction, je ne fume pas, j’ai dû boire mon premier café à 26 ans, je suis à l’opposé de l’excès. » Petit, Dimitri Rassam est influencé par les adultes que sa famille côtoie. Parmi lesquels Milos Forman et Francis Ford Coppola. « À 8 ans, je leur expliquais très sérieuseme­nt ce qu’était le cinéma, par mimétisme. Ils ont dû me dire qu’un jour, comme mon père, je serais producteur. » Comme son cousin germain Thomas Langmann, producteur, Dimitri l’est aussi. Son frère, Louis Giacobetti dérogerait presque à la règle, il se façonne au métier de metteur enscène. S’il affirme que sa famille « n’a jamais célébré le cinéma », Dimitri explique s’être nourri du parcours de ses oncles. Le premier, Paul Rassam, producteur et distribute­ur, à qui l’on doit « Apocalypse Now », « Chicken Run », les films de Sofia Coppola. Cannes découvre Steven Soderbergh grâce à lui. L’autre oncle n’est autre que Claude Berri, producteur et réalisateu­r, il faudrait quatre pages pour aligner sa filmograph­ie.

D DIMITRI RASSAM VOUS DIRA : « LA FAMILLE EST UN ACCÉLÉRATE­UR DE CROISSANCE, pas forcément de route tracée. Onm’a fait confiance par défaut, charge à moi de gagner une légitimité. » Extrêmemen­t proche de Paul Rassam, avec lequel il échange plusieurs fois par jour, de lui il a appris le travail, l’exigence, qu’on demandera beaucoup à qui on aura beaucoup donné. « J’ai reçu énormément d’amour, d’affection, je n’ai jamais ressenti un vide qui ne fut pas comblé. Ma mère n’aurait jamais toléré que je ne sois pas dans la logique de faire, j’ai cela en moi. » Bac scientifiq­ue, prépa Sciences Po, il dit à sa mère

« je gère » , change de braquet, Sorbonne, licence d’histoire. « J’ai mis du temps à mesurer la sommité de travail que déployaien­t ceux auprès desquels j’ai grandi. Ma mère nousa élevés seule, monfrère Louis et moi, elle a toujours été présente. J’ai le souvenir d’avoir été une horreur d’adolescent, c’était sportif pour elle, je me demande comment elle faisait. » Sa valeur première est indéniable­ment celle de la famille. Celle qui l’a construit et celle qu’il a choisi de construire avec sa femme, Masha Novoselova, top-modèle d’origine russe, plastique Victoria Secret, inscrite à l’école de design et d’art graphique Penninghen. Leur fille a 2 ans, elle s’appelle Darya.

A APRÈS LA FAMILLE, L’AMITIÉ. DU LONG COURS. COMME CELLE qui le lie depuis le CP à Guillaume Houzé, petit- fils des fondateurs des Galeries Lafayette, en charge de l’image et du mécénat de l’enseigne. Ils étaient ensemble à l’école active bilingue. « Dimitri est quelqu’un de solitaire, mais il fédère, entraîne. Il est tout sauf la tiédeur. Il a l’amour absolu du cinéma, de la littératur­e, de la création. On a passé beaucoup de week-ends, gosses, à regarder des films avec son oncle Paul. Il a capté et accumulé d’immenses savoirs qu’il a su mixer à un sens aigu des affaires, c’est un entreprene­ur. » Resserrons la focale sur sa filmograph­ie. « Les Enfants de Timpelbach », de Nicolas Bary, « Mauvaise Fille », de Patrick Mille, « le Prénom », de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, dont le succès (4 millions d’entrées avec remake italien à venir) lui permettra simplement « d’être plus ambitieux ». Quoi d’autre encore ? « Je crois à la constance et à l’épreuve, les échecs font partie du parcours au même titre que les succès. Comme à la boxe, il faut avoir le menton solide pour les encaisser. » Et sinon ? Est en tournage depuis dix semaines, « Unillustre inconnu » avec Marie-Josée Croze et Mathieu Kassovitz, de l’attelage Delaporte et Patellière. Prévu pour le printemps, le tournage de « Papa ou maman », premier long-métrage de Martin Bourboulon, avec Laurent Lafitte et Marina Foïs, qui incarneron­t un couple en pleine séparation se battant pour ne surtout pas obtenir la garde des enfants. En production aussi, l’adaptation du « Petit Prince » – un film d’animation –, sous la direction de Mark Osborne, un budget de 60 millions d’euros. Vient de s’achever le tournage de « Paradise Lost », d’Andrea Di Stefano, qui met en scène Pablo Escobar interprété par Benicio Del Toro. Dimitri Rassamal’ inertie pour pire ennemie.

I IL VOUS INSTALLE DANS SON BUREAU, LE TEMPS DE SE METTRE À ÉGALITÉ DE TASSE DE CAFÉ. Part, revient, s’assoit. Toujours calmement. Puis décide de s’installer ailleurs. On le suit. Son associé, Aton Soumache, de dix ans son aîné, est au téléphone à côté. Nous sommes dans leurs nouveaux locaux, boulevard Neyà Paris. Chapter2, sa maison de production, Dimitri l’a lancée à 23 ans. À cette époque, il rencontre Aton Soumache, quia créé Onyx Films et Method Animation. Ces deux compagnons travaillen­t ensemble depuis. Le duo à l’origine du « Prénom » partage aussi les mêmes locaux. Alexandre de La Patellière dira du producteur Dimitri Rassam : « Nous partagions déjà les mêmes bureaux avec Aton. Il est arrivé dans notre groupe avec son air d’ange, son côté énigmatiqu­e de chat. Pour moi, c’était un fils de, auréolé d’un héritage familial, qui disait vouloir faire de la production. On l’a laissé travailler, seul dans son coin. On l’observait un peu en rigolant, mais on n’a pas rigolé longtemps. C’est un bosseur. Les choses se sont fondées dans la durée. Il est dans la conviction, l’accompagne­ment, pas dans le diktat. Il peut être buté, il est juste, sincère, pas des plus diplomates. Il faut que ça pulse, mais pas dans la brusquerie. Il sait réunir de l’argent, et je l’ai toujours vu aller dans le sens des films qu’il protège comme une personne qu’on aime. Il vous fait rêver avec vos propres projets. » Ceil, celui, souvenez-vous, s’appelle Dimitri. Dimitri Rassam.

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PROTECTEUR Une valeur forte anime Dimitri Rassam : accompagne­r la création.

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