Madame Figaro

Céline Sallette, l’essence d’une star.

Elle est l’un des plus beaux espoirs du cinéma français. Découverte dans “l’Apollonide”, bouleversa­nte dans la série événement de Canal+ “les Revenants”, cette actrice intense présente pour nous la nouvelle collection croisière de Dior. Rencontre avec une

- PAR ISABELLE GIRARD RÉALISATIO­N CÉCILE MARTIN PHOTOS MARCUS MAM

Elle ne croit pas au mérite mais à la chance, ce qui donne à son teint la luminosité des gens libres, ceux qui calculent peu, vagabonden­t beaucoup et laissent au hasard le soin de gérer leur vie. Céline Sallette a toujours décidé que l’imprévu guiderait sa vie. « Rien ne me destinait à jouer la comédie », explique cette jeune fille du Sud-Ouest qui a grandi dans une petite maison située derrière la gare d’Arcachon. « Mon père travaillai­t à la SNCF. Mes parents n’avaient pour moi et mon frère aucun plan particulie­r. Ils voulaient juste qu’on soit heureux. » À 14 ans, amoureuse d’un garçon qui ne la regarde même pas, elle décide d’aller le voir à son cours de théâtre. Elle y gagnera deux choses : l’amour du jeune homme et la découverte des planches. De ce jour, jouer sera sa vie, car pour elle, jouer et tomber amoureux, c’est la même chose. Elle passe son bac et suit les cours de Georges Bigot à l’université de Bordeaux. S’ouvre alors une période baba cool avec des spectacles de rue, des mises en scène improvisée­s dans des squats, et des tournées de chants péruviens sur les marchés. La vraie vie. La bohème. La dèche. La passion. À 19 ans, elle enchaîne les rôles avec la troupe de sa fac et joue une statue dans une pièce écrite par les étudiants. Encore une farce du destin. « Je ne devais pas jouer cette pièce, mais la comédienne est tombée enceinte. »

l’ascension

Ce soir-là, le metteur en scène Laurent Laffargue est dans la salle, en quête d’une Desdé mone pour son « Othello ». Il la voit, la recrute, l’emmène à Paris, réussit à la convaincre de se présenter au Conservato­ire. Laffargue devient son Pygmalion, et quelques années plus tard son amoureux et le père de leur fille Alice, aujourd’hui âgée de 4 ans. « Il m’a fait grandir. Il m’a révélée à moi-même. Il m’a fait jouer. Il m’a donné de l’ambition. » Céline a alors 24 ans et décide de se lancer dans le cinéma avec une ardeur frénétique. « Il fallait que je devienne quelqu’un, sinon mon homme n’allait plus m’aimer, affirme-t-elle. Il m’a poussée à faire du cinéma en me disant : “C’est maintenant ou jamais”. » Le jeu, l’amour et le hasard sont les clés de voûte de son existence. Céline poursuit ce marivaudag­e avec grand succès. Elle court les castings… et ça marche. Lorsque Laffargue apprend que Sofia Coppola fait passer des auditions pour son film « Marie- Antoi- nette », il l’encourage. « Je sais que tu vas être prise », ne cesse-t-il de lui répéter. Elle sera l’une des demoiselle­s de compagnie. « De la figuration de luxe dans un film épatant », résume-t-elle. Patrick Grandperre­t lui met vraiment le pied à l’étrier en l ui offrant l ’ un des deux principaux rôles de « Meurtrière­s » (2005), portrait d’une adolescent­e à cheveux gras en rupture de bans. Avec Bertrand Bonello, elle incarne le rôle d’une prostituée mélancoliq­ue dans « l’Apollonide », l’histoire d’une maison close dans le Paris de la fin du XIXe siècle, qui lui vaut une première nomination aux césars et sa première montée des marches à Cannes. C’est après l’avoir vue dans « l’École du pouvoir », un téléfilm qui raconte l’histoire de la fameuse promotion Voltaire, que Jacques Audiard lui propose le rôle de Louise dans « De rouille et d’os », aux côtés de Marion Cotillard. Puis, c’est « les Revenants », la série à succès de Canal + où elle joue une morte-vivante, la plus bouleversa­nte.

le rayonnemen­t

Céline Sallette s’impose comme le nouveau visage du cinéma français, capable d’incarner avec son physique de star d’avant guerre les beautés névrotique­s, opiacées, mélancoliq­ues, à l’image de Jeanne dans « Un château en Italie », de Valeria Bruni Tedeschi, où elle interprète l’une des scènes les plus poétiques du film : son mariage célébré dans une chambre d’hôpital. Égérie du cinéma d’auteur, mais pas exclusive, elle vient de terminer « La French » avec la star Jean Dujardin, et « Geromino » , de Tony Gatlif, où elle interprète le rôle d’une éducatrice pour adolescent­s dans une ambiance flamenca mixée de hip-hop. Elle reprend en tournée « Molly Bloom », le célèbre monologue d’« Ulysse » de James Joyce, qu’elle a déjà joué au Théâtre d’Aubervilli­ers. « Une mise en scène de mon amoureux. Un truc immense. Un vrai cadeau. Quelque chose qu’on porte en soi. C’est comme avoir gravi l’Everest », dit-elle de sa voix gouailleus­e. Pour nous, elle a accepté de présenter la nouvelle collection croisière de Dior, maison avisée qui l’invite en front row. Elle accepte avec joie les invitation­s de la mode. « J’adore ces gens qui cherchent à faire les choses les plus belles du monde. » L’immense talent de Céline Sallette est de savoir incarner le désespoir intime, les êtres à la dérive, les femmes lasses et dévastées en même temps que passionnée­s. « C’est vrai que j’aime interpréte­r les héroïnes à fêlures, mais de temps en temps j’aimerais bien qu’on me propose des rôles de filles sympas, jolies, avec de beaux seins. »

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