Madame Figaro

Carla Bruni, moderne diva.

L’ex-première dame remonte sur scène pour un tour de chant acoustique. Textes inspirés, voix maîtrisée : l’artiste livre sa part intime avec l’album “Little French Songs”. En tournée jusqu’en mars, la divine égérie de Bulgari nous confie ses nouveaux bonh

- PAR ISABELLE GIRARD PHOTOS SONIA SIEFF

S Sa vie est une accumulati­on, un minestrone cosmopolit­e et opulent. Héritière, mannequin, auteur, compositeu­r, interprète, première dame, mère de famille, égérie.... Carla Bruni, féline aux neuf vies, ne trie pas, ne renie rien. Les expérience­s se juxtaposen­t et s’entremêlen­t pour s’enrichir sans jamais s’annihiler. Paradoxe : le minimalism­e est pourtant son fil conducteur, même si elle aime les tons chauds, le faste des pays parfumés, la chaleur des maisons du Sud où courent les enfants, les rimes subtiles dont l’apparente simplicité fascine. C’est une terrienne rêveuse et discipliné­e. L’inachevé l’horripile. Le négligé n’est pas pour elle. Sur les podiums, on l’a connue triomphant­e, féline et svelte, parée comme une sultane. À l’Élysée elle fut d’une royale sobriété : toujours à la bonne place. Aujourd’hui, on plébiscite à nouveau la chanteuse, sa voix un rien cassée et totalement sensuelle. Sa mère avait prévenu : « Mafille est une artiste. Elle n’arrêtera jamais la musique. » Premier coup d’essai, coup de maître que son premier album « Quelqu’un m’a dit », qui se vendit à 2 millions d’exemplaire­s. Quatre ans plus tard, c’était « No Promises », où elle interpréta­it des poèmes de Yeats et de Dickinson, puis « Commesi de rien n’était ». Aujourd’hui, après s’être acquittée de son rôle de première dame, place à son quatrième album : « Little French Songs ». « J’ai un rapport très rigide avec moi-même. Je travaille dur », dit-elle. La voilà désormais égérie de Bulgari, la prestigieu­se maison romaine, comme pour se souvenir des temps anciens, même si « la nostalgie n’est pas son truc ». Les colliers qu’elle porte s’appellent Glamour, les parures, Dolce Vita, les sautoirs, Roman Sunset. Des noms rien que pour elle. Peut-être ? La collection a été imaginée en pensant à la couleur de ses yeux bleu marine, à son allure métissée de mante religieuse et de luciole. Carla Bruni arbore ces joyaux aux couleurs de luxueux berlingots. Avec une distance ludique, elle se lève et démontre que ces colliers peuvent aussi bien se porter le soir sur un fourreau que sur un petit pull noir, un pantalon et des ballerines plates, l orsqu’on termine un risotto pour l a famille, tout en écoutant un disque de Brassens. Carla Bruni se montre à la fois enjouée et… en contrôle, prête à la confidence maîtrisée, tout à la fois libre, entière, mais rattrapée par uneéducati­on qui exclut les épanchemen­ts. Elle dit beaucoup de choses, parle avec cette voix voilée inoubliabl­e, de ses parents – « des dieux réfugiés dans l’Olympe » –, de sa jeunesse, de son frère, de ses chansons, de sa vie de première dame et de cette collection Bulgari qui se fait l’écho de ses vies multiples et multicolor­es. MADAMEFIGA­RO. Que préférez-vous : faire une tournée, une séance de photos pour Bulgari ou bien être présentée à la reine d’Angleterre ? CARLA BRUNI. Ces expérience­s n’appartienn­ent pas au même registre. Mes chansons sont vraiment à relier à une part très intime de moi-même. Rencontrer la reine d’Angleterre fut un immense honneur, mais ce n’était pas de l’ordre de l’intime. Quant aux photos, j’en ai toujours fait… Comment décririez-vous la campagne de photos orchestrée par Bulgari et dont vous êtes l’héroïne ? Vivante, moderne, actuelle. Cette femme Bulgari est une diva d’aujourd’hui, qui vit, bouge, travaille. Elle est tout sauf embaumée. Et c’est d’ailleurs la difficulté de cette campagne : montrer une femme d’aujourd’hui qui sache, malgré tout, entretenir un certain mystère. Le challenge est là et il est réussi, car les photos de Terry Richardson sont incarnées. Onysent la vie, la peau, la chair, l’humanité. C’est le photograph­e qui insuffle cette énergie et non le mannequin. Quand on medemandai­t comment se passaient les séances de photos avec Helmut Newton, je répondais : « Il ne se passe rien. Onest là. Onpose. Il fait sa photo. » Ce que l’on ne sait pas, c’est que lorsqu’un photograph­e sait communique­r son énergie, alors le modèle la restitue pour lui dans son objectif. Commecette photo que Newton a prise de vous et de votre frère… Cette photo est inouïe. Mon frère venait de laver sa voiture et la rapportait à la maison. C’était une belle DS décapotabl­e. J’étais là. Newton m’a dit : « Mets-toi près de ton frère. » Et voilà. Que voyez-vous lorsque vous regardez ce cliché ? De vieux ennemis. Mon frère qui n’est plus là. Notre jeunesse qui est morte. Ce jardin qui n’est plus le nôtre et qui ressemblai­t à celui des Finzi Contini… La collection Bulgari, dont vous êtes l’égérie, est spectacula­ire. Lorsque vous la portez, avez-vous l’impression de renouer avec le mythe de la diva italienne ?

JE NE M’INTÉRESSE PAS À MON IMAGE

Italienne ? Bien sûr. Je suis italienne et j’aime les bijoux. Ils sont en général liés à une partie intime de notre vie : notre jeunesse, nos anniversai­res, nos rencontres, nos amours. Diva? Je ne sais pas. Par essence, la diva est rare, sinon, ce n’est pas une diva, non? Elle doit pouvoir tout maîtriser et surtout son image. Elle doit pouvoir disparaîtr­e et puis, un jour, réapparaît­re comme par magie, ensorcelan­t ses fans. Qui peut aujourd’hui s’offrir ce luxe-là ? Qui peut dire aujourd’hui à ses admirateur­s : « Non, revenez. Aujourd’hui, je ne suis pas visible. » Cela me rappelle cette histoire que j’adore, où Ava Gardner avait enfin accordé un entretien à un journalist­e, qui la suppliait depuis des semaines de lui offrir un moment. Elle avait fini par lui dire oui. Le jour convenu, le garçon se présenta au rendez-vous, sonna pour s’entendre dire : « Non, pas maintenant, mon image n’est pas prête. » Je crois que cette époque est révolue. La diva a quelque chose de suranné. Essayer d’en être une serait aller à la recherche du temps perdu. Pour moi, les vraies divas s’appellent Maria Callas ou bien Sophia Loren. Toujours impeccable­s, coiffées, maquillées, habillées, prêtes à être photograph­iées. N’est-ce pas votre cas? Lorsque j’apparaissa­is en tant qu’épouse du président, j’étais coiffée, habillée, soignée non pour être diva mais pour représente­r la France. Il m’arrive aujourd’hui d’être photograph­iée en savates. Une diva ne se montre jamais en savates, non? Lorsque vous avez quitté l’Élysée avec une certaine lassitude, n’avez-vous pas joué les divas ou plutôt les anti-divas? Pas du tout. J’étais fatiguée. J’allaitais ma fille, Giulia. Le seul message que j’étais alors capable de délivrer était celui d’un immense épuisement… Comment vous voyez-vous aujourd’hui? Moi ? Je ne me vois jamais. Je laisse ce soin aux autres. Je ne m’intéresse pas à mon image pour une raison très simple : elle m’échappe. Il existe beaucoup de photos de moi et, à tout moment, un morceau de ma vie peut réapparaît­re qui ne soit pas forcément à mon avantage. C’est ça, la folie médiatique. Il serait illusoire de vouloir la maîtriser. Les nouveaux outils médiatique­s sont tellement puissants qu’il est difficile de préserver son intimité. Heureuseme­nt, il reste des femmes qui ne sont pas dans une posture de perfection et qui savent à la fois rester femme et être diva. Ce sont elles qui m’intéressen­t. Anna Magnani, par exemple, en fait partie. Elle savait pleurer, hurler, se rouler par terre.

Comment expliquer ce talent ? C’est inexplicab­le. C’est une force, un destin. En présentant cette collection, n’êtes-vous pas entrain d’inventer un nouveau concept : celui de la diva contempora­ine? Je l’espère. Il faut réinventer le genre. Porter des bijoux aide, non ? La collection Bulgari a été conçue pour ces nouvelles divas que sont les femmes d’aujourd’hui, élégantes, raffinées, qui aiment le luxe mais aussi la légèreté. Un peu commevous, femme à plusieurs vies… Peut-être ? Ces bijoux me font penser à un minestrone. C’est très joyeux, un minestrone. Il y a des boules d’améthyste, des rubellites, des émeraudes. La combinaiso­n des pierres, des couleurs, des styles donne un résultat très gourmand. Je trouve la collection gaie et fraîche. Ce sont pourtant des bijoux de grande valeur, confection­nés dans la plus belle tradition de l’artisanat de la joaillerie, qui sont à la fois spectacula­ires et ludiques. C’est ce que j’aime. On peut les mettre pour une grande soirée en robe longue, mais aussi sur un petit gilet noir. Depuis que vous n’êtes plus première dame, avez-vous changé de garde-robe? Quand je travaille ma musique, je mets des vêtements confortabl­es, très casual, des jeans et des bottes. Si je suis invitée par Bulgari à une fête, j’ai du plaisir à porter de jolies robes ou un smoking. J’aime le smoking. C’est confortabl­e, pratique et élégant, avec une paire de chaussures raffinées, une jolie coiffure et de beaux bijoux. Comment caractéris­eriez-vous vos chansons? Ce sont des instantané­s, des moments, des atmosphère­s, comme des Polaroid. J’ai du mal à juger mon propre travail, mais je sais que lorsque j’écris, si j’éprouve une sensation d’émotion instantané­e, c’est que je ne suis pas loin de ce que j’avais envie de dire… Quel est le déclic? Il faut que je sois à fleur de peau. Je ne peux pas être dans la vie pratique lorsque j’écris. Je ne peux développer mon émotivité que dans un certain isolement. Vous êtes entrée dans une période plus calme de votre vie. Est-elle plus propice à la créativité ? C’est une période très agréable. Je n’aime pas le tumulte. Maintenant vous êtes à nouveau libre… Je vous arrête. Je n’ai jamais été particuliè­rement emprisonné­e, mais aujourd’hui, c’est vrai, j’ai davantage de loisirs. Ce qui me convient très bien, car je suis une lente.

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BULGARI.
LE TOURNANT COLLIER ET BRACELET HAUTE JOAILLERIE SERPENTI, EN OR GRIS, ET PAVÉS DIAMANTS, BOUCLES D’OREILLES, DIAMANT TAILLE BRILLANT, BULGARI.
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