Madame Figaro

ENFANTS DU ROCK

- PAR Marc Lambron

JJE NE SUIS PAS DE CEUX POUR QUI LA DERNIÈRE BIMBO OU LE DERNIER rappeur qui parle a toujours raison. Cela s’appelle de l’actu. Horrible question moderne : « Quelle est votre actualité ? » Le problème des gens qui ont une actualité, c’est qu’ils sont souvent menacés de péremption rapide. Il vaut mieux être actuel et inactuel, c’est-à-dire pérenne. Ou, mieux, s e s ouvenir de cette phrase d’Aragon : « À aucun moment de ma vie, je n’ai eu l’âge de mon état civil. » J’y songeais récemment lorsque je vis Bob Dylan s’incarner à Paris dans les salons du ministère de la Culture. À 72 ans, il avait l’air de sortir de « Pat Garrett& Billy the Kid », un film de Sam Peckinpah, où Dylan joua en 1973 : le truc du rock, à la longue, c’est que si vous n’êtes pas mort à 30 ans, vous flambez toujours à 70. Ne me démentiron­t pas les spectateur­s du concert qu’Eric Burdon, né en 1941, donna récemment à l’Olympia. Le nain à lunettes noires a électrisé la salle avec ses vieux hits, dont l’immortel « House of the Rising Sun », que Johnny Hallyday reprit en français sous le titre « le Pénitencie­r »… LE TÉMOIN FRANÇAIS QUI A MAGNIFIQUE­MENT CAPTÉ CES ANNÉES-LÀ, C’EST MON AMI Jean-Marie Périer. Voyez comment le photograph­e traverse les décennies : non seulement il reste mince comme un cure-dents, mais il est modeste. Si tout le monde connaît son idylle sixties avec Françoise Hardy, personne ne se pose la question de savoir qui succéda dans son affection à la chanteuse française. Je la lui ai posée. Jean-Marie a fini par me lâcher un nom : Marianne Faithfull. Oh le cachottier ! Mais quel coquin ! La nymphe britanniqu­e, alors mariée au galeriste John Dunbar, retrouvait le jeune Périer des deux côtés de la Manche. Lorsque cette idylle interallié­e prit fin, Marianne Faithfull tomba dans les bras de Mick Jagger, pour former l’un des couples les plus mythiques de l’histoire du rock. Mais ce n’est pas tout. Quelques années plus tard, Jean-Marie traînait chez Castel avec une copine nicaraguay­enne. Comme les Rolling Stones étaient à Paris, il proposa à la

jeune femme de l’accompagne­r à leur hôtel. Les présentati­ons furent faites. Elle se prénommait Bianca et deviendrai­t par mariage, en 1971, Bianca Jagger. Détectives du rock, ne cherchez plus le Français derrière Mick Jagger : il se nomme Jean-Marie Périer. JE RENCONTRE DANS UN DÎNER PHILIPPE LABRO, QUI VIENT DE PUBLIER « On a tiré sur le président ». Tout le monde n’était pas à Dallas lors de l’assassinat de John Kennedy, mais Labro, si. Son livre est frappant par la nostalgie indirecte qui s’en dégage : sans frotter les cordes de la mélancolie génération­nelle, en se bornant à relater ce qu’il a vu, Labro crée un effet de distance proche qui nous rend contempora­ins de 1963, tout en sentant bien que l’on remonte vers un temps perdu. C’est du sépia instantané. Excellent ouvrage pour une soirée d’hiver : on a l’impression d’être assis au coin d’une cheminée géorgienne dans une villa de Georgetown, en compagnie de l’oncle Philippe qui vous présente à Angie Dickinson et à Robert McNamara. De très bonnes fréquentat­ions.

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Marianne Faithfull

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