Madame Figaro

DEBORA L. SPAR

- le mythe de la wonder woman PAR SIXTINE LÉON-DUFOUR, À NEW YORK

Le récent livre de Debora L. Spar, présidente du Barnard College, université d’excellence réservée aux filles, a fait l’effet d’une bombe outre-Atlantique. Avec « Wonder Women : Sex, Power, and the Quest for Perfection », cet ancien professeur à la Harvard Business School, 50 ans, mère de trois enfants, appelle les femmes à « casser les mythes » qui les empêchent de se sentir à la hauteur. SI LE FÉMINISME A PERMIS AUX FEMMES D’ACQUÉRIR LEUR LIBERTÉ, VOUS AFFIRMEZ QU’ELLES NE PEUVENT PAS TOUT AVOIR. POURQUOI? Debora L. Spar. – Le féminisme a aidé les femmes à ne pas se cantonner dans un seul rôle, à grandir avec l’idée que tout était désormais possible pour elles. Mais, insidieuse­ment, ce message a été réinterpré­té. Et nous sommes passées du « Je peux tout faire » à « Je dois tout faire à la perfection ». COMMENT L’EXPLIQUEZ-VOUS? Nous avons gardé sur notre « to do list » tout ce que nos mères faisaient – fonder une famille, s’occuper des enfants, cuisiner… – en y ajoutant toujours plus d’obligation­s : un métier passionnan­t, un physique de rêve, un mari parfait. Ma mère ne se serait jamais levée à 5 h 30 pour faire de la gym (NDLR : une norme à New York)… FAUT-IL POUR AUTANT REVENIR EN ARRIÈRE? Non, bien sûr. Mais en inculquant aux filles qu’elles pouvaient devenir scientifiq­ues dans le nucléaire ou Premier ministre – ce qui est formidable –, on a omis de leur spécifier que cela exigeait une énorme somme de travail, qu’il leur faudrait lever le pied par ailleurs. Les hommes ne se posent pas ce genre de question... QUELLES SONT LES CONSÉQUENC­ES SUR LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE? Je constate que l’un des symboles du succès, c’est d’être débordé. Pour être une vraie wonder woman, il faut se vanter de ne pas avoir une minute à soi. On nous apprend cela dès l’école, où il est bon de multiplier les activités. Or, il serait bien de dire aux jeunes filles : « Oui, tout est possible, mais soyez sélectives. Faites ce que vous aimez avant tout. » QUE FAUDRAIT-IL POUR QUE LES FEMMES ÉCHAPPENT À LEUR QUÊTE DE PERFECTION? Il faudrait simplement leur expliquer que le succès est protéiform­e. Et que son acception varie d’une femme à l’autre.

Newspapers in French

Newspapers from France