PICO IYER L’HOMME TRANQUILLE
L’ÉCRIVAIN * GLOBE-TROTTEUR ANGLAIS D’ORIGINE INDIENNE, QUI PARTAGE SON TEMPS ENTRE LE JAPON ET LA CALIFORNIE, NOUS INVITE AU VOYAGE IMMOBILE, SOURCE DE SÉRÉNITÉ.
Vous prônez les « aventures vers nulle part » : qu’est-ce que cela signifie ?
Dans les années 1980, il y avait une grande excitation à visiter le Tibet ou l’île de Pâques parce que c’était difficile d’accès. Aujourd’hui, c’est devenu très simple, alors qu’il est plus difficile de rester tranquille, de retrouver cette sensation d’espace et de libération que provoque ce que j’appelle « aller nulle part ». Rester à l’écart de l’agitation du monde, prendre sa respiration et faire une pause, sans nécessairement méditer ou faire du yoga… De nos jours, voilà le luxe ultime.
Vous préconisez une « résidence secondaire temporelle ». Expliquez-nous !
Je vois de plus en plus de gens revenir à la tradition ancienne du shabbat, un jour de repos dans la semaine, qui pour moi équivaut à cette deuxième maison dans le temps. Un cottage accessible à tous. Posséder une maison de campagne est un luxe, mais il est plus important aujourd’hui d’en avoir une dans le temps. Au XXIe siècle, le temps nous domine bien plus que l’espace. Paradoxalement, c’est dans la Silicon Valley, d’où viennent les nouvelles technologies, que se pratique le shabbat Internet, soit deux jours de week-end vraiment offline.
Le musicien Leonard Cohen est l’un de vos modèles, pourquoi ?
Il a fait de la tranquillité un art. Lui qui a goûté à tous les plaisirs de la vie a choisi de devenir moine zen. Dans son monastère (NDLR : près de Los Angeles), il m’a expliqué que cette tranquillité était une expérience bien plus voluptueuse que tout ce qu’il avait connu avec le sexe, la drogue, le rock… Cette tranquillité est un moyen de purifier et d’approfondir son art. En concert, on peut sentir cette intensité, sa sincérité. C’est la raison de son succès à encore 80 ans.
« The Art of Stillness » (l’art de la tranquillité), éd. Simon & Schuster/TED.