« Le défi des États, des peuples et des individus », par Cynthia Fleury.

LLA MARCHE COMMENCE À PEINE. ELLE VA DURER TOUT CE SIÈCLE. L’intégrisme est le totalitarisme du XXIe siècle. Le défi n’est pas français. Il est mondial. Celui des États, des peuples et des individus qui croient en la liberté de conscience versus ceux qui veulent la mettre au pas. Il met aussi les démocraties devant leurs contradictions intérieures et l’insuffisance profonde de la realpolitik qu’elles pratiquent internationalement. Mais voilà, il va falloir faire avec l’insuffisance démocratique. La condition déceptive de l’État de droit reste le seul rempart contre la démence psychotique de l’intégrisme. La marche commence à peine. Au soir du 7 janvier 2015, dans la sidération et la gravité, les citoyens se sont regroupés. Calmement, ils ont tissé un « nous ». Personne n’est dans l’illusion de sa durabilité, et même de sa densité réelle. Et pourtant, chacun peut comprendre la nécessité de l’alimenter et de le faire perdurer. Il reste le socle d’un agir commun contre la barbarie. Le 14 janvier, une semaine après l’effroi, la une de « Charlie Hebdo » paraît : UNE LEÇON DE PAIX ET DE LIBERTÉ. Plusieurs niveaux de lecture. Une larme de Mahomet. Une réciprocité des pardons. Et un soufflet à la face de l’intégrisme. Le rire comme désacralisation du faux sacré. La non-violence comme arme. L’intégrisme n’est qu’un simulacre de sacré. Rien n’est sacré en lui. Rien n’est sacré pour lui, si ce n’est son intolérance. Il y a plus de deux siècles, Voltaire s’adressait à l’Inquisition en dénonçant son horreur monstrueuse : « […] parce que notre religion est divine, doit-elle régner par la haine, par les fureurs, par les exils, par l’enlèvement des biens, les prisons, les tortures, les meurtres, et par les actions de grâces rendues à Dieu pour ces meurtres ? Plus la religion chrétienne est divine, moins il appartient à l’homme de la commander ; si Dieu l’a faite, Dieu la soutiendra sans vous. » Aujourd’hui, les enfants mondiaux de Voltaire font la même adresse à l’intégrisme musulman.

Également professeur à l’American University of Paris, Cynthia Fleury est l’auteur de « la Fin du courage » (Fayard) et des « Pathologies de la démocratie » (Le Livre de Poche).