UN GRAMME DE
LLEPOÉSIE SUPERFLU, APRÈS LA TRAGÉDIE. L’accessoire, en période noire. Peut-on l’oser ? Si vite ? « Jamais je n’ai connu de chagrin assez grand que l’achat d’un chapeau neuf n’ait pu soulager », crânait l’écrivain-chasseresse de fauves Karen Blixen. Si une femme s’y connaissait en chapeaux extravagants et épreuves cataclysmiques, c’était cette Danoise exotique : les morts violentes autour d’elle, l’ignoble syphilis en elle… mais une femme comme les autres devant l’accessoire si secondaire, futile, léger. Laquelle d’entre nous n’a pas goûté à l’effet cicatrisant d’un soulier neuf, à la caresse consolante d’un foulard sur la peau ? Notons qu’une babiole à trois sous est aussi efficace qu’un article de luxe. L’important est le désir que la chose fait surgir en nous, quand nous le croyions enseveli sous la tristesse ou la déprime. L’ACCESSOIRE VOLANT AU SECOURS DE L’ESSENTIEL, l’élan vital ? Ce pourrait être un thème philosophique. C’est plus souvent un sujet de mode. Tant mieux. Car sans lui le chic n’existerait pas. Un accessoire, ça souligne ou complète, ça flanque du mordant à l’allure, ça lance une note singulière. Il est si juste parfois, si en adéquation avec une robe, un manteau, une silhouette, une personne, qu’il crève l’écran. Tout le reste s’efface. ET QUE SERAIT LE THÉÂTRE SANS LUI ? Une morne plaine. Pourtant, je me souviens d’une pièce mise en scène par Peter Brook, « Eleven and Twelve ». Une épure. Sur le plateau, rien, sinon deux acteurs en djellaba et un drap blanc dont ils j ouaient, l’air de rien, tout en palabrant. De la pénombre et de ce drap mouvant surgissaient le voyageur, une pirogue et le fleuve… C’était d’une bouleversante simplicité. L’accessoire, c’est cela, avant tout : un gramme de poésie. Une possibilité d’évasion.