AU LE MENU RESSEMBLE À UN OBSCUR TRAITÉ DE PHILOSOPHIE. À L’HÔTEL, ON A L’IMPRESSION DE DÉRANGER LE DÉCOR. DANS LES ON CHERCHE PARFOIS LE MODE D’EMPLOI… STOP ! ET SI LA FINISSAIT PAR TUER LE PLAISIR ?
RESTAURANT, GALERIES D’ART, SURENCHÈRE CONCEPTUELLE
J USQU’OÙ I RA S E NICHER LA CÉRÉBRALITÉ ? La cuisine restait encore, il y a peu, un refuge pour renouer avec l’essentiel – ses sens –, et goûter au réconfort bien connu de la « bonne bouffe » entre amis. C’est pourtant le domaine où, ces derniers temps, la tyrannie de la sophistication semble la plus virulente. Ici, un chef japonais « active la braise ensoleillée du rare charbon Binchotan pour cautériser de velours sa basse côte de vrai boeuf de Kobe » (dixit le site du Fooding, à propos du restaurant Pages)… Là, un serveur râpe du Belper Knolle (un fromage vieux au lait cru, enrobé de poivre, de poussière d’ail et de sel d’Himalaya, n’en jetez plus) sur un risotto de soja à la purée de chouxfleurs ? Nous sommes au restaurant Porte 12 – notez également la chiquissime sobriété cryptée du nom ! –, autre sensation 2015. Ce n’est pas que l’on tienne absolument à en rester à la blanquette de mamie. Mais ces repas qui tournent au rituel initiatique, avec serveurs recueillis comme des moines taoïstes, au fond, n’est-ce pas prodigieusement « boring » ?
marketing enflammé
La contagion est telle que l’on se prend à dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : assez de prise de tête obligatoire ! Même les si populaires bougies d’ambiance, initialement peu suspectes, se haussent du col. « De la froideur des terres qui dégèlent montent les timides volutes d’agrumes verts, de mousse et de muscs cristallins. » S’agit-il d’un inédit de Mallarmé, récemment retrouvé par ses ayants droit dans un tiroir ? Pas du tout… Nous parlons là du modeste laïus explicatif de la bougie Anchorage, de la très chic maison Ast i e r de Vi l l a t t e , pardon ! S a consoeur Carmélite (Cire Trudon), elle, évoque en toute simplicité « la lumière des cierges et la psalmodie, la paix de l’âme et la nuit des temps »… Évidemment, face à ces raffinements inouïs, notre Feu de Bois du salon, pourtant très smart en son temps (« une alliance sophistiquée d’essences boisées, chaleureuse comme un feu de cheminée », Diptyque) fait un peu primaire ! Et que dire de la basique Lavande qui frôle la provocation